Mediapart PAR FABRICE ARFI
- ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 12 OCTOBRE 2012
Toutes les personnes qui ont approché le dossier
poussent le même soupir effaré : rien ne l’arrête.
Teodoro Nguema Obiang (dit Teodorin), vice-
président de Guinée-Équatoriale et fils du chef de
l’État en exercice, visé en France par un mandat d’arrêt
international dans l’affaire des “Biens mal acquis”,
envisage d’acquérir pour 200 millions de dollars l’un
des plus gros yachts de luxe au monde.
Il s’agit d’un bateau baptisé Al Salamah, propriété du
prince Sultan ben Abdul Aziz, le ministre de la défense
d’Arabie saoudite décédé l'an passé. Ses héritiers
veulent à tout prix vendre le yacht, un mastodonte de
140 mètres de long, haut de cinq étages, hérissé d’une
piste d’atterrissage pour hélicoptère et doté d’une salle
de cinéma et d’un hôpital… Entre autres.
Al Salamah
Ébruitée le 4 octobre par une indiscrétion de
L’Express, l’affaire semble se préciser, même si
la vente n'a pas été (encore) finalisée. D’après
les éléments recueillis par Mediapart, une société
commerciale a été créée le 23 juillet dernier en Guinée-
Équatoriale pour se porter acquéreur du yacht convoité
par Obiang junior (très friand en la matière).
Elle se nomme Sociedad de transporte maritimo
Guinea equatoriale, la Sotramar-GE, enregistrée sous
le numéro 2 481 dans les registres officiels de Malabo,
la capitale de Guinée-Équatoriale.
Fait intrigant: la Sotramar est déjà le nom d’une société de transport maritime parapublique
guinéenne, créée en décembre 1971 et impliquée
dans le commerce de la bauxite, le principal minerai
permettant la production d’aluminium, dont les terres
guinéennes sont très riches.
Des banques approchées ces dernières semaines
ont refusé de rentrer dans le dossier tant Teodoro
Obiang est devenu un personnage judiciairement
infréquentable. De fait, de nombreuses questions se
posent quant à l’origine réelle des fonds que le vice-
président guinéen se dit prêt à débloquer pour assouvir
ses désirs. D’où l’extrême prudence d'institutions
bancaires qui ne souhaitent pas être embarquées dans
une éventuelle opération de blanchiment.
La confusion entre la Sotramar de 2012 (société
privée) et son homonyme de 1971 (société
parapublique) n’est-elle d’ailleurs pas entretenue pour
mélanger argent public et intérêts privés ? L’avocat
français du fils Obiang, Me Emmanuel Marsigny,
ne souhaite faire aucune déclaration sur ce dossier.
Tout comme le secrétariat particulier parisien de la
famille Sultan qui, joint par Mediapart, a fait savoir
« qu’aucune espèce de commentaire ne sera fait là-
dessus ».
Teodoro Obiang, aujourd’hui en charge du portefeuille
ministériel de la défense après avoir détenu celui de
l’agriculture, n’est pas connu de la justice française
pour sa rigueur dans la gestion des deniers publics de
son pays.
Personnage central de l’affaire dite des “Biens mal
acquis”, Obiang junior est visé depuis le 12 juillet
2012 par un mandat d’arrêt émis par les juges Roger
Le Loire et René Grouman, qui le soupçonnent
de détournement de fonds publics, de blanchiment,
d’abus de biens sociaux et d’abus de confiance. En
clair, ils accusent le fils Obiang de piller les richesses
de son pays pour se constituer en France et dans le
monde un faramineux patrimoine.
Les magistrats ont déjà fait procéder à la saisie
de quatorze voitures de luxe, ainsi qu’à celle de
très nombreux meubles et objets d’art possédés par
M. Obiang, logé à Paris dans un somptueux hôtel
particulier de l’avenue Foch. Celui-ci a fait l’objet
d’une spectaculaire perquisition en février dernier.
Plusieurs rapports de la police et de la cellule
anti-blanchiment du ministère des finances Tracfin
ont décrit ces dernières années dans le détail les
extravagances financières du fils Obiang. Dans une
note de synthèse du 6 novembre 2007, l’Office central
pour la répression de la grande délinquance financière
notait ainsi que Teodoro Nguema Obiang avait « fait
notamment l’acquisition en France d’une quinzaine
de véhicules pour un montant estimé de plus de 5,7
millions d’euros ».
Parmi les bolides commandés auprès d’un
constructeur alsacien figurent trois Bugatti Veyron « d’un montant unitaire de plus de 1 milliond’euros ». L’achat de plusieurs voitures a été effectué
par des virements provenant de la Somagui Forestal,
une société forestière guinéenne dont le dirigeant
était Teodoro Obiang, qui occupait parallèlement à
l’époque le poste de ministre de l’agriculture et des
forêts, avec une indemnité officielle de… 3 200
euros mensuels. « Les flux mis en exergue (…) sont
susceptibles de traduire du blanchiment du produit
d’un détournement de fonds publics », notait Tracfin
dans un rapport.
Les diligences judiciaires françaises, très mal vues
par le clan Obiang, ont singulièrement tendu les
relations diplomatiques entre Paris et Malabo, où
la réplique n’a pas tardé. En mai 2012, une
enquête pour corruption a été ouverte en Guinée,
visant directement le président de l’association anti-
corruption Transparence International France, Daniel
Lebègue, à l’origine avec d’autres ONG françaises de
la procédure des “Biens mal acquis”.
« Le sentiment d’impuissance d'un régime à bout de
course, face à la marche de la justice, conduit à
la multiplication des écrans de fumée et des contre-
feux », avait alors réagi l’avocat William Bourdon,
président de l’association Sherpa, partie civile dans
le dossier des “Biens mal acquis” aux côtés de
Transparence International.
LA FRANÇAFRIQUE N'EST PAS UNE FATALITÉ ! INFORMEZ-VOUS ! ENGAGEZ-VOUS !
Pensez à consulter également la PAGE FACEBOOK DE SURVIE GIRONDE
Survie Gironde est une antenne locale de l'association SURVIE. Financièrement, l’association dépend pour l’essentiel des contributions de ses adhérent-e-s et de ses donateur-rice-s, garantes de son indépendance. Elle ne perçoit pas d'argent de l'Etat (excepté les aides sur les contrats salariés), de parti politique, religieux, ou de syndicat.
Pour cette raison, si vous êtes sensibles aux messages défendus par SURVIE, il est important de soutenir l'association.
Pour cela, vous pouvez :
- faire un don, adhérer et/ou vous abonner à Billets d'Afrique et d'Ailleurs, le bulletin mensuel de SURVIE,
- contribuer à la diffusion la plus large possible des messages de l'association,
- vous rapprocher de Survie Gironde pour agir à nos côtés.
Survie Gironde a besoin de vous pour multiplier ses moyens d'action et lutter contre la françafrique à l'échelle locale !
LA FRANÇAFRIQUE N'EST PAS UNE FATALITÉ ! INFORMEZ-VOUS ! REJOIGNEZ-NOUS !
Survie Gironde est une antenne locale de l'association SURVIE. Financièrement, l’association dépend pour l’essentiel des contributions de ses adhérent-e-s et de ses donateur-rice-s, garantes de son indépendance. Elle ne perçoit pas d'argent de l'Etat (excepté les aides sur les contrats salariés), de parti politique, religieux, ou de syndicat.
Pour cette raison, si vous êtes sensibles aux messages défendus par SURVIE, il est important de soutenir l'association.
Pour cela, vous pouvez :
- faire un don, adhérer et/ou vous abonner à Billets d'Afrique et d'Ailleurs, le bulletin mensuel de SURVIE,
- contribuer à la diffusion la plus large possible des messages de l'association,
- vous rapprocher de Survie Gironde pour agir à nos côtés.
Survie Gironde a besoin de vous pour multiplier ses moyens d'action et lutter contre la françafrique à l'échelle locale !
LA FRANÇAFRIQUE N'EST PAS UNE FATALITÉ ! INFORMEZ-VOUS ! REJOIGNEZ-NOUS !
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire