LA FRANÇAFRIQUE N'EST PAS UNE FATALITÉ ! INFORMEZ-VOUS ! ENGAGEZ-VOUS !

Pensez à consulter également la PAGE FACEBOOK DE SURVIE GIRONDE

Survie Gironde est une antenne locale de l'association
SURVIE. Financièrement, l’association dépend pour l’essentiel des contributions de ses adhérent-e-s et de ses donateur-rice-s, garantes de son indépendance. Elle ne perçoit pas d'argent de l'Etat (excepté les aides sur les contrats salariés), de parti politique, religieux, ou de syndicat.
Pour cette raison, si vous êtes sensibles aux messages défendus par SURVIE, il est important de soutenir l'association.
Pour cela, vous pouvez :
- faire un don, adhérer et/ou vous abonner à Billets d'Afrique et d'Ailleurs, le bulletin mensuel de SURVIE,
- contribuer à la diffusion la plus large possible des messages de l'association,
- vous rapprocher de Survie Gironde pour agir à nos côtés.
Survie Gironde a besoin de vous
pour multiplier ses moyens d'action et lutter contre la françafrique à l'échelle locale !

LA FRANÇAFRIQUE N'EST PAS UNE FATALITÉ !
INFORMEZ-VOUS ! REJOIGNEZ-NOUS !


mardi 29 janvier 2013

Avec Paul Biya, François Hollande poursuit la réception des dictateurs françafricains

Communiqué, le 29 janvier 2013


Tandis que l’opération militaire massive au Mali focalise l’attention et que responsables politiques et analystes s’évertuent à démontrer que les modalités d’intervention signent la fin de la Françafrique, François Hollande reçoit le plus vieux des « dictateurs amis de la France », ce mercredi 30 janvier à 15h, pour le plus grand bonheur du patronat français. Une lettre ouverte lui a été adressée et une conférence de presse est organisée de 10h à 12h à la Maison de l’Afrique pour dénoncer ce soutien renouvelé au régime camerounais.

Les regards sont toujours tournés vers le Mali, mais ce mercredi 30 janvier, c’est à une autre région d’Afrique que se consacre François Hollande. Et contrairement aux récentes réceptions des dictateurs burkinabè [1] et tchadien [2], la « lutte contre le terrorisme » ne peut pas être invoquée pour essayer de justifier que le président d’une relation franco-africaine « normalisée » reçoive le despote camerounais, au pouvoir depuis plus de trente ans [3].

La rencontre avec Paul Biya, « réélu » frauduleusement en 2011 [4] et qui s’apprête à organiser des élections législatives et sénatoriales pour lesquelles un blanc-seing français sera précieux, est officiellement placée sous le signe des droits humains. On nous annonce ainsi un président Hollande intraitable, très attentif à l’évolution du dossier de certains ressortissants français embastillés au Cameroun... Un patriotisme qui ne doit pas virer à l’indignation sélective, moins d’une semaine après la publication par Amnesty International d’un nouveau rapport sur les « multiples atteintes aux droits humains », qui dénonce « des exécutions illégales et des actes de torture », des poursuites pénales « pour museler les opposants politiques, les défenseurs des droits humains et les journalistes », et des persécutions homophobes [5]. Malgré cela, la France maintient scandaleusement une très importante coopération policière et militaire avec ce pays [6].

Pour désamorcer la critique, l’Élysée ne manquera pas de formuler ses vœux désormais traditionnels de « transparence » et de « bonne gouvernance ». Ce serait un gage de continuité, car Paul Biya, que ses concitoyens considèrent comme le plus corrompu des camerounais, instrumentalise régulièrement la lutte contre la corruption pour mener des purges contre ses adversaires et ses affidés les plus ambitieux de son propre appareil politique et asseoir ainsi son pouvoir autocratique : ce discours sur la « bonne gouvernance » est, au Cameroun comme partout en Françafrique, le nouvel outil de management de la dictature.

Victime emblématique de cette prétendue lutte contre la corruption, Paul Eric Kingué se démène en vain depuis près de 5 ans contre une justice aux ordres du pouvoir. Il paie le prix de s’être attaqué aux entreprises françaises présentes sur la commune dont il fut le maire [7], et qui disposent de puissants relais politiques. Cette affaire, comme la rencontre stratégique que Paul Biya aura au MEDEF le lendemain de son entrevue avec François Hollande, illustre qui sont les bénéficiaires de ce soutien renouvelé au régime de celui que la France installa au pouvoir en 1982. Les dirigeants et actionnaires des entreprises françaises présentes au Cameroun continuent en effet, malgré une concurrence croissante, d’être les premières à piller les richesses d’une population scandaleusement pauvre [8]. Le commerce bilatéral de la France avec le Cameroun, ce sont en effet 632 millions d’euros d’exportations et près de 300 millions d’euros d’importations [9], qui font le bonheur d’environ 200 entreprises locales appartenant à des français et d’une centaine de filiales de grands groupes français omniprésents dans l’économie camerounaise [10] : l’exploitation du pétrole (Perenco) et sa distribution (Total), l’agriculture et l’agroalimentaire (Compagnie fruitière, Vilgrain, Castel, Bolloré,..), le bois (Rougier), le ciment (Lafarge), les transports (Bolloré, Air France), la téléphonie mobile (Orange), les banques et les assurances (Société Générale, Le Crédit Lyonnais, Banques Populaires, Axa, ...), le BTP (Vinci, Bouygues, …).

L’association Survie renouvelle son exigence de refonte complète des relations franco-africaines, qui impose notamment de renoncer à toute coopération policière et militaire et d’instaurer un « service diplomatique minimum » avec les régimes n’ayant aucune légitimité démocratique. Avec le Collectif des Organisations Démocratiques et Patriotiques de la Diaspora Camerounaise (CODE), elle vient ainsi d’adresser une lettre ouverte à François Hollande, puisqu’il s’était mobilisé suite à la réception de Paul Biya par Nicolas Sarkozy en juillet 2009.

Afin d’exposer plus en détails la nature du régime camerounais et l’importance du soutien de la France à Paul Biya, le CODE et Survie vous invitent à une conférence de presse ce mercredi 30 janvier 2013 de 10h à 12h à la Maison de l’Afrique (7 rue des Carmes, 75005 Paris).




Lettre ouverte à François Hollande à l’occasion de la réception de Paul Biya Interpellation du CODE (Collectif des Organisations Démocratiques et Patriotiques de la Diaspora Camerounaise) et de Survie
http://survie.org/IMG/doc/CODE_Lettre_ouverte_Hollande_jan_2013_DEF.doc

Dossier de presse constitué par le CODE
http://survie.org/IMG/zip/Dossier-presse-CODE.zip

Election présidentielle du 9 octobre 2011 au Cameroun : Urgence contre la dictature !
http://survie.org/IMG/pdf/Dossier_de_Presse_Election_Cameroun_Survie_13octobre2011.pdf
 
 
Contact presse :
Danyel Dubreuil – Odile Biyidi,
Association Survie,
danyel.dubreuil@survie.org
(+33)1 44 61 03 25 – 06 52 21 15 61
 
 
 
[1] Communiqué de Survie du 17 septembre 2012 : « Blaise Compaoré à Paris : la Françafrique fait sa rentrée à l’Elysée ! »
[2] Communiqué de Survie du 4 décembre 2012 : « Hollande fait la paix avec Déby et prépare la guerre »
[3] « Élection présidentielle du 9 octobre 2011 au Cameroun : Urgence contre la dictature ! », Dossier de presse réalisé dans le cadre des actions du Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politiques en Afrique, Survie, mardi 4 octobre 2011
[4] « Cameroun : une mascarade électorale labellisée « acceptable » », Billets d’Afrique n°207, novembre 2011,
[5] Communiqué d’Amnesty International du 24 janvier 2013 : « Cameroun. Halte à l’impunité pour les graves atteintes aux droits humains » et rapport (anglais uniquement) « Republic of Cameroon : Make human rights a reality »
[6] Selon le ministère des affaires étrangères : « Le Cameroun tient une place particulière au sein de l’architecture de paix et de sécurité en Afrique centrale et dans le golfe de Guinée. Ce pays est le premier partenaire de la France en matière de coopération de sécurité et de défense. L’accord rénové de partenariat de défense conclu le 21 mai 2009 est entré en vigueur le 1er août 2012. » (voir http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/pa... , mis à jour 10.01.2013)
[7] Communiqué de la FIDH du 29 octobre 2012 : « Cameroun : la FIDH appelle à mettre un terme au harcèlement judiciaire visant Paul-Eric Kingue depuis plus de 4 ans »
[8] « Le Cameroun des entreprises françaises », Billets d’Afrique n°206, octobre 2011
[9] « Le commerce extérieur entre la France et l’Afrique centrale en 2011 », Service Économique Régional de l’Ambassade de France au Cameroun, février 2012
[10] Ambassade de France au Cameroun




vendredi 25 janvier 2013

Rwanda : des pièces accablantes pour la France

Nous vous invitons à lire cet article publié le 24 Janvier 2013 par Elisabeth Felury, sur le site du Parisien.

C’est une lettre de quelques lignes, tapée à la machine. Signée par Augustin Bizimana, le ministre de la Défense rwandais, elle est adressée « au Capitaine Paul Barril ». « Monsieur,… la situation dans mon pays devient de plus en plus critique… Vu l’évolution actuelle du conflit, je vous confirme mon accord pour recruter, pour le gouvernement rwandais, 1000 hommes devant combattre aux côtés des Forces Armées Rwandaises. » La missive insiste sur « l’urgence » de la requête.
Elle est datée du 27 avril 1994. A cette date, le génocide rwandais a commencé depuis trois semaines. Depuis que, le 6 avril, l’avion du président Juvénal Habyarimana a été abattu. Les Hutus, accusant les Tutsis du Front patriotique rwandais (FPR) d’avoir commis l’attentat, lancent un effroyable génocide. Hommes, femmes, vieillards, enfants : en quatre mois, essentiellement à coups de machette, ils massacrent 800000 Tutsis (évaluation de l’ONU).


3M$ de factures d’armes, de munitions et d’hommes


Quatre ans après l’attentat contre le président rwandais, une enquête est ouverte en France pour déterminer qui a abattu l’aéronef. Très rapidement, en dépit des très nombreuses contradictions et insuffisances de ses investigations, le juge Bruguière accuse le FPR.
Mais, depuis que son successeur Marc Trévidic a repris le dossier, les cartes ont été entièrement rebattues. Le rôle des autorités françaises dans le génocide apparaît particulièrement ambigu. A ce titre, la lettre au capitaine Barril, récemment versée au dossier et dont nous nous sommes procuré la copie, est saisissante.
Lorsqu’il est sollicité par le ministre de la Défense rwandais, le capitaine Barril n’est pas n’importe qui. « Paul Barril, à cette époque, c’est la France, résume une source judiciaire. Faire appel à lui, c’est faire appel à la France. » Ancien patron du GIGN, cela fait déjà plusieurs années que, avec sa société Secrets, Barril travaille dans l’ombre, à la demande de François de Grossouvre (un conseiller de Mitterrand), pour le gouvernement rwandais. Officiellement, Barril est d’abord chargé d’« une mission d’infiltration » au service du gouvernement rwandais, avant d’être sollicité par la veuve Habyarimana pour enquêter sur les auteurs de l’attentat. Officieusement, son rôle est nettement plus discutable.
L’été dernier, à la demande du juge Trévidic, une série de perquisitions menées chez Barril et auprès de son entourage ont permis de mettre la main sur des documents accablants. Outre la demande de 1000 mercenaires, les enquêteurs ont récupéré des factures d’armes, de munitions et d’hommes, liées à « un contrat d’assistance » passé entre Barril et le gouvernement rwandais et daté du 28 mai 1994. Cartouches, obus, mortiers, grenades… le montant global dépasse les 3 M$. Le 20 décembre dernier, le juge Trévidic interroge le capitaine Barril sur ces documents. Le contrat d’assistance? « Cela n’a jamais existé », prétend l’intéressé. Les factures? « Cela ne s’est jamais fait. » Paul Barril, qui se présente désormais comme conseiller auprès des autorités qatariennes, a une expression pour résumer tout cela : « C’est de la mayonnaise africaine. » Une mayonnaise de près d’un million de morts.

Le Parisien

lundi 21 janvier 2013

Togo, élections législatives - Lettre ouverte du Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politique en Afrique à Mme Ashton Catherine et M. Andris Piebalgs

Nous publions le communiqué du Collectif de solidarité avec les luttes sociales et politiques en Afrique à propos des élections législatives à venir au Togo.
Vous trouverez ce communiqué au format PDF sur le site http://www.electionsafrique.org




Paris, le 18 janvier 2013

Lettre ouverte à l’attention de : 
- Mme Ashton Catherine, haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité‎, 
- M. Andris Piebalgs, commissaire au Développement de l’Union européenne

Copies :
-  M. Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères du gouvernement français
-  M. Pascal Canfin, ministre délégué au Développement du gouvernement français
-  M. Elmar Brok, président de la commission des Affaires étrangères du Parlement Européen
-  Mme Eva Joly, présidente de la commission Développement du Parlement Européen
-  Présidents des groupes parlementaires du Parlement européen : o M. Joseph Daul, Parti Populaire Européen (Démocrates-chrétiens) o M. Johannes Swoboda, Alliance Progressiste des Socialistes & Démocrates o M. Guy Verhofstadt, Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe o M. Cohn-Bendit et Mme Rebecca Harms, Verts/Alliance libre européenne o M. Marek Grobarczyk, Conservateurs et Réformistes européens o Mme Gabi Zimmer, Groupe confédéral de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique o M. Emmanuel Bordez, Europe de la liberté et de la démocratie
- M. Calixte Batossie Madjoulba, ambassadeur du Togo en France
- M. Félix Kodjo Sagbo, ambassadeur du Togo à l’Union Européenne


Objet : Demande d’action urgente de l’Union européenne au Togo en vue d’une organisation des élections législatives transparentes, consensuelles et crédibles

Madame le haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité‎,

Monsieur le commissaire au Développement de l’Union européenne,

Entre 2009 et 2011, l’Afrique francophone a connu une vague d’élections présidentielles dont les résultats ont souvent été contestés. Si des transitions démocratiques ont connu un certain succès, au Niger par exemple, la démocratisation du continent africain avance difficilement, et, certains régimes dictatoriaux ont réussi à trouver une ‘légitimité’ internationale en instrumentalisant une démocratie factice au moyen d’élections fraudées. Fin 2012, début 2013, le hasard des calendriers électoraux amène une nouvelle vague d’élections, cette fois, législatives. L’enjeu de démocratisation se déplace des présidentielles aux législatives, mettant l’accent sur le renforcement des institutions.

Au Togo, suite aux massacres de 2005 à l’arrivée de Faure Gnassingbé au pouvoir, en accord avec l’Organisation des Nations unies et le Programme des Nations Unies pour le Développement, l’Union Européenne a soutenu le pays au niveau des processus électoraux et de la construction de l’Etat de droit, par ses Missions d’Observation Electorale et ses financements. Cette action a indirectement conforté un régime caractérisé par la violence de la répression, l’impunité, la corruption, et le refus de toute alternance politique. Le soutien à la démocratisation a parfois perdu de son efficacité et de son sens. En 2010, l’Union européenne a financé à hauteur de 12,5 millions d’euros l’organisation de l’élection présidentielle, et a envoyé une Mission d’Observation, impliquant par son budget les contribuables européens. L’Union européenne était le garant attendu des résultats comme premier donateur et observateur. Les conditions de cette élection n’auraient pas été acceptées dans les démocraties adhérentes à l’Union européenne. L’Union européenne se doit de tirer les conséquences de son implication, particulièrement si elle continue de financer les élections au Togo. [1]

Si, parmi les principales dispositions de l’Accord Politique Global (APG) signé à Ouagadougou en 2006 entre le pouvoir togolais et les partis de l’opposition, suite aux 22 engagements pris en 2004 par l’Etat togolais auprès de l’UE, certaines ont partiellement été exécutées permettant au pouvoir de bénéficier des financements de l’Union européenne, les plus importantes notamment celles relatives aux réformes institutionnelles et constitutionnelles n’ont pu être mises en œuvre du fait du manque de volonté et de la mauvaise foi du pouvoir.

En 2012, l’ONU condamne sévèrement le gouvernement togolais sur la torture, en lui demandant de prendre rapidement des mesures qui auraient dû être prises depuis longtemps, mettant particulièrement en cause l’Agence Nationale de Renseignement (ANR), lui demandant de « mettre en œuvre les recommandations de la Commission nationale des droits de l’homme (CNDH) sur les allégations de torture et de mauvais traitements dans les locaux de l’ANR et autres lieux de détention » [2]. Cette nouvelle condamnation démontre que le régime issu des massacres de 2005 a peu progressé dans la construction d’un Etat de droit.

Sans qu’il n’y ait de date certaine et alors que le chef de l’Etat togolais annonce dans ses vœux de nouvel an 2013 vouloir suivre un chronogramme avec une élection fin mars 2013, les législatives au Togo se dérouleront environ 3 ans après la présidentielle de mars 2010. Depuis cette date, les populations entraînées par l’Alliance Nationale pour le Changement (ANC), la coalition de partis réunis au sein du Front Républicain pour l’Alternance et le Changement (FRAC), et, depuis le mois de mai 2012, le Collectif ‘Sauvons le Togo’ (CST), ainsi que la coalition « Arc-en-ciel », ont contesté les résultats de la présidentielle de 2010, et ont réclamé des élections législatives transparentes et organisées selon les standards internationaux. Le gouvernement a violemment réprimé les mouvements pacifiques de contestation, sans pour autant parvenir à briser la dynamique acquise au changement.

Ces coalitions de partis politiques réclament l’organisation consensuelle d’élections législatives face à la poursuite solitaire de l’organisation de ces élections par le gouvernement. Le Collectif ‘Sauvons le Togo’ a indiqué, le 1er janvier 2013 [3] « qu’il est prématuré d’aborder des questions liées à des élections sans la réalisation consensuelle des réformes institutionnelles et constitutionnelles. Il convient plutôt de réunir les conditions devant ouvrir la voie à un dialogue structuré, franc et sincère, … Le Collectif ‘Sauvons le Togo’ réitère sa proposition pour la mise en place d’un comité préparatoire qui conviendra des modalités du dialogue, dans ses aspects liés à la composition, au fonctionnement et aux sujets à débattre. Pour la sérénité des débats, la présence d’un médiateur choisi consensuellement, avec l’assistance de la communauté internationale, s’impose. »

Comme les diplomaties des principaux pays occidentaux, l’Union européenne est de nouveau prise à témoin d’un processus biaisé. Etant donné l’historique de l’influence européenne au Togo, sa volonté d’accompagner le régime, dont des personnalités fortes sont elles-mêmes mises en cause, vers un objectif de démocratie, quand ce régime ne semble pas partager les valeurs démocratiques, n’a jamais été comprise par la majorité de la population togolaise. La poursuite de cette politique pourrait donc être de nouveau assimilée à une complicité avec le régime dictatorial. A ce stade, l’Union européenne a encore la possibilité de corriger la logique de son implication, pour devenir un acteur fiable et reconnu de la démocratisation.

La qualité de l’organisation d’un scrutin se détermine en amont : au niveau de l’indépendance de l’organisation vis-à-vis du pouvoir, la préparation des listes électorales, la qualité du découpage des circonscriptions, – point bloquant pour le Togo –, le contrôle des moyens de l’Etat, les moyens financiers de l’opposition, la liberté de la presse, l’indépendance et le travail de la justice en cas de répression policière. L’Union européenne a émis après des législatives de 2007 des recommandations qui n’ont jamais été appliquées par le gouvernement togolais. En effet, parmi les recommandations de la Mission d’Observation Electorale de l’Union Européenne (MOE-UE) des législatives d’octobre 2007 figure la recommandation selon laquelle « la représentativité des sièges dans la nouvelle législature doit se faire sur des critères démographiques » [4], pour mettre fin à la sur-représentativité manifeste du Nord par rapport au Sud. Ce déséquilibre, imposé par un régime électoralement illégitime, est à la base du trucage prévisible dans l’organisation des législatives par le gouvernement sans concertation avec l’opposition. D’autres recommandations allant dans le même sens sont venues se rajouter dans le rapport de la MOE-UE de 2010, et l’opposition demande leur application. [5]

A partir du « printemps arabe », la politique européenne, que ce soit au niveau de la Commission ou du Parlement, s’est engagée dans le sens d’une politique plus « cohérente vis-à-vis des régimes autoritaires » associant développement, droits humains, et démocratie [6]. Les élections législatives au Togo révèlent un enjeu important pour la démocratisation du continent parce qu’il s’agit d’un des seuls pays subissant une dictature militaire à façade démocratique où le régime pourrait quitter le pouvoir par les urnes, l’opposition ayant réussi à rester électoralement forte malgré les manœuvres récurrentes visant à la déstabiliser. S’il est bien organisé et si les résultats sont correctement restitués, le prochain scrutin permettrait de sortir d’une impasse et montrerait la capacité du Togo à s’engager dans une alternance. Les élections législatives envisagées au Togo pourraient ainsi mettre un terme à la dictature en donnant un exemple positif pour d’autres pays. Il s’agit donc d’un test pour la communauté internationale et en particulier pour l’Union Européenne, qui par son expérience des Missions d’Observation, a la possibilité de devenir un soutien efficace, rapide, reconnu, pour la généralisation de la démocratie en Afrique.

Les organisations signataires rassemblées au sein du Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politique en Afrique soutiennent les forces démocratiques du Togo pour mettre fin à une dictature militaire, clanique et familiale, le pouvoir de Faure Gnassingbé découlant du régime de son père Eyadéma. Elles appellent l’Union Européenne à prendre la mesure des enjeux et de la gravité de la situation au Togo et à prendre ses responsabilités en conséquence.  

Elles demandent à l’Union européenne d’exiger au plus vite du gouvernement togolais qu’il s’engage à organiser des élections législatives crédibles, conformes aux recommandations déjà émises, en accord avec l’opposition réelle et légitime du Togo rassemblée autour des deux coalitions de partis, le FRAC et Arc-en-ciel, ainsi qu’autour du Collectif ‘Sauvons le Togo’.

Pour le Collectif de Solidarité avec les Luttes Sociales et Politique en Afrique,

les signataires : Afriques en luttes, Attac France, Plateforme Panafricaine, Survie, Fédération des Congolais de la Diaspora (FCD, Congo Brazzaville), Ça suffit comme ça ! (Gabon ), Mouvement du 4 mars pour la Libération du Togo (MoLiTo), Collectif des Associations Contre l’Impunité au Togo – France (CACIT – France), Alliance Nationale pour le Changement en Ile-de-France (ANC-IDF, Togo), Union des Populations du Cameroun (UPC), Alliance Républicaine pour le Développement (ARD, Djibouti), Mouvement pour la Restauration Démocratique en Guinée Equatoriale (MRD), Parti Communiste Français, Parti de Gauche, Gauche Anticapitaliste, Convergence et Alternative, Fédération pour une Alternative Sociale et Ecologique, Europe Ecologie les Verts.

dimanche 20 janvier 2013

Rencontre littéraire sur les mouvements sociaux au Burkina Faso en 2011

L'association MÉDIA FRÈRES INTERNATIONALE, en partenariat avec le Boulevard des Potes, propose une rencontre littéraire sur les mouvements sociaux au Burkina Faso en 2011, autour du livre de Lila Chouli:

Burkina Faso 2011
chronique d'un mouvement social.

Présentation par Dragoss Ouedraogo, anthropologue, cinéaste et réalisateur, Président du Mouvement Burkinabe des Droits de l'Homme et des Peuples.

Ça se passe au Boulevard des Potes
29 rue Bergeret à Bordeaux 

 JEUDI 24 JANVIER à 18h30





samedi 19 janvier 2013

Mali: "pas sûre que l’intervention militaire puisse résoudre en profondeur les problèmes"


Source: alternatives économiques: http://alternatives-economiques.fr/blogs/collin/2013/01/16/questions-sur-le-mali-a-berangere-rouppert-chercheur-au-grip/

Auteur d’une récente note d’analyse « L’étonnant consensus autour de l’intervention française au Mali, B. Rouppert du Think Tank belge le GRIP (pour Groupe de Recherche et d’Information sur la Paix et la Sécurité) porte un nouveau regard sur cette guerre, bien différent de celui que l’on peut trouver dans la presse française..

Question : L’intervention militaire de la France entre-t-elle dans un cadre onusien ?
Berangère Rouppert : La résolution 2085 du Conseil de sécurité des Nations unies (CSNU) ne semble pas ici prise comme base légale de l’intervention qui demande que tout soutien au Mali se fasse dans le cadre de la MISMA (Mission internationale de soutien au Mali sous commandement africain). La plupart des commentateurs justifient l’intervention par le risque de sanctuarisation qui se profilait ainsi que sur le risque de voir Bamako tomber en quelques jours.
Paris a  en effet justifié son action sur la base de l’article 51 de la Charte de l’ONU qui souligne le « droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un Membre des Nations Unies est l’objet d’une agression armée». La question est là : qu’est ce qui prévaut ? La Charte des Nations unies ou le long processus de négociations multilatérales qui dure depuis un an et qui a abouti à ce consensus de la résolution 2085 ? En outre, ce même article 51 précise que ce droit à la légitime défense collective peut s’exercer  « jusqu’à ce que le Conseil de sécurité ait pris les mesures nécessaires pour maintenir la paix et la sécurité internationales » : or, les mesures avaient déjà été prises par le CSNU et plaçaient tout appui des États membres dans le cadre de la MISMA. La France ne se place pas dans ce cadre-ci puisqu’elle agit en bilatéral. L’arrivée précipitée des contingents ouest-africains et du général nigérian commandant la MISMA pourrait être interprétée comme la construction d’une légitimation a posteriori, faisant de la France une composante à part entière de l’intervention sous commandement africain.
L’on justifie également cette intervention par la demande officielle d’aide du président malien par intérim au président français. Mais le président Traoré est assis sur une légitimité toute relative puisqu’elle émane d’un accord-cadre dont la constitutionnalité pose question car signé entre une organisation régionale et une junte arrivée au pouvoir par un coup d’état, et dont la valeur juridique est inconnue.

Question : Quel avenir pour cette intervention française au Mali ?
Berangère Rouppert : C’est tout le problème : où va-t-on ? Quelle est la stratégie de court terme, de moyen terme, de long terme et les possibilités de respecter les objectifs fixés ? Car l’objectif c’est de passer rapidement le relais à la CEDEAO. Mais quelle est la capacité actuelle des forces ouest-africaines à prendre le relais ? La question se pose en effet puisque le déploiement de la MISMA n’était prévu que pour septembre 2013 en raison des préparatifs nécessaires au bon déroulement de la mission : la préparation des contingents qui devaient partir, leur équipement, leur financement, des questions de logistiques. Là, leur arrivée est précipitée même si elle va prendre une, deux ou trois semaines et donc il est légitime de ce fait de s’interroger sur la capacité des forces ouest-africaines à soutenir l’effort de guerre  intensif nécessaire en lieu et place des forces françaises. Il en va de même pour l’armée malienne que l’on nous disait indisciplinée, corrompue, mal équipée, insuffisamment formée et qui devait bénéficier d’une formation par l’Union européenne : l’UE va certes déployer sa mission plus tôt que prévue mais il va falloir revoir le type de formation à dispenser sur du court terme et non plus du moyen terme et identifier les bataillons à former sachant que les plus opérationnels se trouvent sur le front.
Étant donnés ces doutes, l’on peut penser que les Français seront présents pour un long moment au Mali en première ligne jusqu’à ce que les forces africaines soient opérationnelles puis comme une composante importante de cette mission internationale sous commandement africain.
Par ailleurs, se pose la question de la sortie de crise. En effet, chasser les islamistes de Gao, Kidal et Tombouctou à grands renforts de bombardements aériens peut en effet ne prendre que “quelques semaines” ; en revanche, s’assurer que les combattants ne reviennent pas, s’inscrit dans la longue durée. Dans ces conditions, le risque d’enlisement, sur fond de guerre asymétrique, se profile à l’horizon. L’on ne peut écarter le risque que l’intervention française dans une ancienne colonie, bien qu’avalisée par de nombreux acteurs et demandée par le président malien par intérim, ne serve la cause des groupes islamistes et n’entraîne une mobilisation de nouvelles recrues séduites par les thèmes de la lutte contre l’ancienne puissance coloniale et, plus largement, de la lutte contre l’Occident.

Question : Comment expliquez-vous l’absence de soutien européen et américain à cette intervention militaire française ?
Berangère Rouppert : Les partenaires de la France ont répondu présents, par un soutien politique tout d’abord et par un soutien en termes logistiques, transport de troupes, évacuation médicale, ainsi que l’a demandé le gouvernement français. L’action de la France a été précipitée et a anticipé l’action internationale. La stratégie reste floue, la stratégie de sortie crise, si elle existe, n’est pas rendue publique. La prudence vient peut-être du fait que les Américains ont expérimenté en Afghanistan les limites de l’intervention militaire pour résoudre le problème des groupes islamistes. La France dit intervenir pour lutter contre le terrorisme international et mettre un coup d’arrêt aux actions des islamistes au Mali. Je ne suis pas sûre que l’intervention militaire puisse résoudre le problème des groupes islamistes et plus largement les problèmes du Mali qui sont d’ordre socio-économiques. C’est en s’attaquant aux problématiques socio-économiques que l’on obtiendra des résultats durables à même de diminuer l’influence des groupes islamistes et de combattre la diffusion de l’idéologie islamistes ou à tout le moins sa capacité d’attraction en ce qu’elle est à même de répondre mieux que l’État aux attentes des citoyens.

Question : La France intervient-elle pour soutenir un allié ou pensez-vous que d’autres raisons peuvent expliquer cette action?
Berangère Rouppert : Les flous sont encore nombreux. Peut-être que le temps aidera à les dissiper. La France dit intervenir pour lutter contre le terrorisme international et mettre un coup d’arrêt aux actions des islamistes au Mali. Comme je l’ai dit précédemment, je ne suis pas sûre que l’intervention militaire puisse résoudre en profondeur les problèmes à l’origine de l’enracinement de ces groupes au nord-Mali. En outre, l’Irak et l’Afghanistan l’ont montré, si les opérations militaires peuvent toucher durement les islamistes, elles ne les annihilent pas et ils sont toujours là.
La France a parlé de la protection de ses ressortissants au nombre de 6000 ; pourtant les responsables militaires sur place aux premiers jours de l’intervention ont dit que ce n’était pas « la priorité » (voir RFI du 13 janvier) même s’ils prenaient cette dimension en compte. Pour ce qui concerne les intérêts économiques, ils ne sont pas si importants que cela : la France n’est pas un gros investisseur dans le pays ni un gros fournisseur ; le Mali n’est pas un client important non plus. Il n’est pas sûr donc qu’il faille chercher de ce côté-ci.
Je pense qu’il faut considérer la situation sous un angle régional. La France a dans la région des partenaires économiques importants, au premier rang desquels se trouve l’Algérie ou encore la Côte d’Ivoire : la stabilité de la région lui importe beaucoup donc. A cela s’ajoute la dimension énergétique : en effet, qu’il s’agisse de la Mauritanie ou du Niger, de nombreuses firmes françaises, Total et Areva entre autres, exploitent le sous-sol de ces deux pays. Un glissement du conflit vers le nord-Niger pourrait être très préjudiciable à la France : l’approvisionnement en uranium via la firme Areva pourrait être perturbé, ce qui serait à même de perturber le fonctionnement de l’énergie nucléaire civile en France.

Question : Connaissez vous la réaction de la Chine et de la Russie devant cette action militaire française ?
Berangère Rouppert : Par la voix de son envoyé spécial pour l’Afrique, la Russie a rappelé, au lendemain de l’intervention française, que « toute opération militaire en Afrique peut et doit être menée sous la direction des Nations unies et l’Union africaine ». Une manière de condamner l’intervention française et de dire qu’elle se situe hors cadre onusien. Pourtant, l’ambassadeur russe à l’Onu a annoncé en début de semaine que « les actions sont conformes aux normes du droit international, elles s’inscrivent dans le cadre la résolution 2085 et sont conformes au droit international, ce recours à la force militaire ayant été décrété à la demande du gouvernement malien ». Quant à la Chine, elle met elle aussi l’accent sur la nécessité de voir se déployer rapidement la mission internationale prévue dans le cadre onusien.
La Russie et la Chine ont des intérêts énergétiques dans la zone sahélienne et privilégient la non-déstabilisation de la zone sahélienne. L’arrivée de la Chine au Sahel s’inscrit dans le cadre de sa politique destinée à sécuriser ses approvisionnements énergétiques d’une part, et, d’autre part, dans le cadre du développement du nucléaire civil. La China National Petroleum Corporation, la Chinese National Off-shore Oil Company et Sinopec sont présentes dans les pays sahéliens, notamment au Niger, en Mauritanie et au Tchad, et mènent également des prospections au Mali. Quant à la compagnie russe Gazprom, elle a commencé sa pénétration au Sahel par l’Algérie et le Nigeria. Via Gazprombank NGS, filière de Gazprom, la Russie a fini par obtenir du Niger en 2011 un accord de concession minière pour la recherche et l’exploitation de gisements d’uranium.

mercredi 16 janvier 2013

L'édito de Billets d'Afrique et d'Ailleurs (janvier 2013)

Retrouvez ici chaque mois l'édito du mensuel publié par SURVIE :
Billets d'Afrique et d'ailleurs.
S'abonner à Billets d'Afrique et d'ailleurs.


Arcana imperii


Le procès des assassins de Firmin Mahé devait être l’occasion d’appliquer pour la première fois la loi pénale ordinaire à des exactions commises par des militaires français au cours d’opérations extérieures. On n’a pas été déçu : en prononçant des peines ridicules au regard de l’horreur du crime commis, la cour d’assises de Paris a reconnu à l’armée coloniale droit de vie et de mort sur l’indigène. En fait de lois de la République, c’est la loi de Lynch que la justice française a consacrée, avec l’approbation de tous les canards qui font l’opinion. 
 
C’est en effet à l’issue d’un véritable lynchage que Firmin Mahé a trouvé la mort ce 13 mai 2005. Blessé à la jambe par le tir d’une patrouille de la Force Licorne, il est emmené au camp français de Bangolo, où il est roué de coups, voire pire – le corps n’a jamais été rendu à la famille. Puis, peut-être pour dissimuler l’horreur de ce premier crime, quatre militaires l’emmènent inconscient dans un véhicule blindé, où il est étouffé au moyen d’un sac plastique.
Devant la Cour, les militaires français ont justifié ce déchaînement de violence en accusant cet homme d’être le chef des « coupeurs de route » qui mettaient à feu et à sang la « zone de confiance » créée par la France en janvier 2003, dans le cadre des accords de Marcoussis . Rien ne vint conforter ce récit hormis le témoignage d’une Ivoirienne exfiltrée en France après les faits et gratifiée sans délai de la nationalité française. Pourtant c’est ce conte qui fit autorité dans le prétoire. Pis, violant la présomption d’innocence dont elle est censée être une gardienne vigilante, l’avocate générale fit savoir dans son réquisitoire qu’elle « pensait » que Mahé était un dangereux criminel. De même, l’ensemble de la presse adopta sans réserve le point de vue de la défense, transformant des assassins en héros conformes à l’image du soldat français secourant la veuve et l’orphelin, quitte à enfreindre les règles sacrées du droit des gens.
Avocats de la défense, magistrats comme faiseurs d’opinion justifièrent ce crime par « la situation exceptionnelle » qui prévalait dans la zone de confiance. Pourtant, comme le souligne le journaliste Théophile Kouamouo, « à aucun moment, il n’a été question du pays qui avait conçu cette « zone de confiance », sans administration, sans police et sans justice, véritable foutoir organisé, dont le seul intérêt était qu’elle garantissait de la meilleure manière la partition de la Côte d’Ivoire : la France. »

Alors qu’elle aurait dû, au terme de l’accord de défense qui la liait à la Côte d’Ivoire, repousser les rebelles qui s’attaquaient à un État de droit, la France institutionnalisa la criminalité par les accords de Marcoussis, qui leur confiaient les ministères de la Défense et de l’Intérieur et créaient cette zone de non-droit, laissant le champ libre à toutes les exactions. Le maintien de l’ordre étant le prétexte de l’opération Licorne, on comprend dans ces conditions que l’armée n’ait eu d’autre choix que de faire endosser ces crimes à un innocent – c’est ainsi que le droit appelle tout homme qui n’a pas été régulièrement jugé et condamné, on a honte de devoir le rappeler à une magistrate chevronnée. (Lire par ailleurs page 7)

Ce n’était qu’un exploit parmi d’autres de nos soldats en Côte d’Ivoire.
En septembre 2003, quatre d’entre eux, censés garder la BCAO de Bouaké, ramassèrent 38 millions de francs CFA tombés des mains des rebelles alors que ceux-ci emportaient 20 milliards de francs CFA.
En septembre 2004, douze soldats français s’emparèrent de 65 millions de CFA à l’issue du casse de la BCAO de Man, dont ils avaient la garde. Ces affaires furent réglées en famille, sans la moindre publicité, par l’ex-tribunal aux armées.
Le 6 novembre 2004 le bombardement du cantonnement de l’armée française de Bouaké, tua neuf soldats. Les soldats français, qui occupaient l’aéroport de Yamoussoukro, détruisirent les avions de retour à leur base, et leurs pilotes biélorusses furent exfiltrés au Togo après avoir été brièvement retenus. Ce bombardement servit de prétexte à la descente des forces françaises sur Abidjan et à la résidence du président Gbagbo. La mobilisation populaire qui s’ensuivit s’acheva par la fusillade de l’Hôtel Ivoire, le 9 novembre, au cours de laquelle le détachement français déchargea ses armes sur la foule, faisant des dizaines de morts.
En Côte d’Ivoire, comme au Rwanda, l’armée française fut l’école du crime : c’est ce qui ne doit pas être dit.

Le 16 janvier 2013 par Odile Tobner


La France intervient au Mali et réaffirme son rôle de gendarme en Afrique

C’est finalement le 10 janvier 2013 que la France est entrée en guerre au Mali. La communication du gouvernement français, reprise sans questionnement par les principaux médias, tend aujourd’hui à légitimer par tous les moyens et tous les arguments cette nouvelle intervention militaire française sur le sol africain et son rôle de "gendarme de l’Afrique". 
Pour Survie, association qui dénonce depuis longtemps l’ingérence et la domination de la France envers ses anciennes colonies africaines, il est important de rappeler quelques éléments de contexte et d’analyse critique sur cette intervention française, sans minimiser l’ampleur de la crise que connait le Mali.
La menace que font peser ces groupes armés sur la population et l’intégrité du Mali est indéniable. Leurs exactions sont connues et ont provoqué la fuite de centaines de milliers de personnes. Après le calvaire vécu par les populations dans le Nord, le soulagement des Maliens en ce moment est compréhensible. Si l’intervention française semble effectivement avoir mis un coup d’arrêt à l’offensive vers le sud du pays de mouvements armés qui se revendiquent d’un islam radical, il existe cependant d’autres motifs, militaires et politiques, à l’opération Serval rendant la conduite française des opérations critiquable.

Le camouflage multilatéral d’une opération française

Cette intervention ne s’inscrit pas dans le cadre des résolutions de l’ONU. Des mois de négociations ont permis de faire voter trois résolutions du Conseil de Sécurité, ouvrant la voie à une intervention internationale sous responsabilité africaine et pouvant faire usage de la force, mais officiellement sans implication directe des militaires français.
En informant simplement le Conseil de Sécurité sur le fait que son intervention urgente "s’inscrit dans le cadre de la légalité internationale" eu égard aux dispositions de la Charte de l’ONU, elle a finalement pu justifier une décision bilatérale. Ce changement majeur, qui met ses « partenaires » devant le fait accompli, est complaisamment occulté afin de laisser à nouveau croire que la France met en œuvre une volonté multilatérale actée au sein de l’ONU. Il est donc nécessaire qu’elle respecte au plus vite les résolutions de l’ONU.

Une fois de plus, la France joue le rôle de gendarme de l’Afrique, en appuyant sa stratégie sur ses relations bilatérales avec des "régimes amis" africains, sur la présence permanente de son armée dans la région et sur sa capacité de projection de forces. Ainsi, les hélicoptères utilisés pour stopper l’offensive adverse sont ceux des forces spéciales françaises de l’opération Sabre, présentes au Burkina Faso voisin (et en Mauritanie) depuis deux ans et renforcées au mois de septembre. C’est surtout le dispositif Epervier, en place au Tchad depuis 1986 alors qu’il était supposé provisoire, qui est mobilisé. À travers l’opération baptisée Serval, ce sont donc les liens que Paris entretient avec des régimes totalement infréquentables, ceux d’Idriss Déby et de Blaise Compaoré, qui se trouvent une nouvelle fois renforcés.
Le rôle phare de la France est reconnu par la plupart de ses partenaires occidentaux qui lui emboitent le pas timidement dans cette intervention (Royaume-Uni, Etats-Unis, Allemagne) sans pour autant engager de troupes combattantes, tandis que d’autres restent en retrait.

Une intervention directe décidée dans l’ombre

Ce scénario rentre dans la logique développée par le nouvel exécutif français, prônant l’intervention militaire comme un "préalable" à la restauration de la paix dans le pays (également en proie à une crise institutionnelle grave). Ces derniers mois, la France n’avait en rien contribué à l’émergence d’une solution collective discutée par l’ensemble des Maliens et de nature à favoriser un consensus politique, préalable à une réorganisation rapide des forces de sécurité. Aujourd’hui, la présence de soldats français jusque dans Bamako - sous couvert de protection des ressortissants - représente une pression importante sur les autorités maliennes en état de grande faiblesse.
L’option d’une intervention directe et rapide des forces françaises était déjà prévue, au vu de la rapidité de mise en œuvre, et ce bien avant que l’offensive ne se rapproche de Sévaré-Mopti. L’aval du Parlement n’est pas nécessaire à l’Élysée pour déclencher une opération extérieure, ce qui marque l’insuffisance de la modification constitutionnelle de juillet 2008 relative au contrôle parlementaire des opérations extérieures. De rares réactions critiques dans la classe politique soulignent cette absence de concertation. La nature préméditée de cette intervention armée aurait indiscutablement dû susciter une prise de décision parlementaire.

Dans l’immédiat, l’opération Serval a déjà basculé dans une phase offensive et semble devoir se prolonger dans la durée. Cette logique occulte délibérément les risques pour la population malienne et les Etats de la région, de même que les perspectives politiques et la période post-conflit. Le bilan accablant des récents antécédents français en Afrique montre pourtant que ces risques sont bien réels. Les interventions de 2011 en Côte d’Ivoire et en Libye ont en effet débouché sur des situations internes explosives, passées sous silence.

En conclusion, la crise malienne et cette nouvelle intervention militaire française en Afrique révèlent l’échec de 50 années de "coopération" avec l’Afrique : armées incapables de protéger leurs populations, chefs d’Etat médiateurs de crises eux-mêmes putschistes, accords de défense et bases militaires qui ont perpétué le rôle de gendarme de l’Afrique que la France s’est historiquement octroyé. On ne peut que constater l’incapacité des institutions africaines et multilatérales à organiser la moindre opération de sécurisation dans la région sans avoir recours au poids lourd français, qui a tout fait pour se rendre incontournable. Ces événements appellent une fois de plus à une remise en cause de l’ensemble du cadre des relations franco-africaines.

14 janvier 2013