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vendredi 15 novembre 2013

L'édito de Billets d'Afrique et d'Ailleurs (novembre 2013)

Retrouvez ici chaque mois l'édito du mensuel publié par SURVIE :
Billets d'Afrique et d'ailleurs.
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CPI : Consécration Pénale de l’Impunité


L’engagement de poursuites contre le président du Kenya a provoqué la réunion, le 12 octobre, d’un sommet extraordinaire de l’Union Africaine consacré à « la relation entre l’Afrique et la Cour pénale internationale » et intensifié les attaques portées par certains chefs d’État africains, notamment anglophones, contre la cour, accusée de limiter ses poursuites à l’Afrique, de pratiquer une justice « sélective et politique » (Kagame), voire « impérialiste et raciste » (Kenyatta). Il est vrai qu’à voir les visages des poursuivis affichés sur le site de la CPI, on se croirait dans un rêve du Ku Klux Klan plutôt qu’à l’aube d’une justice universelle. La CPI ne serait-elle finalement qu’un moyen supplémentaire de s’assurer la soumission des gouvernements africains, une menace brandie contre les non-alignés ?


Il est de fait que les règles de fonctionnement de la CPI constituent une régression au regard des principes démocratiques les plus élémentaires [1]. Ainsi les victimes n’ont pas accès à la CPI, qui ne peut être saisie que par le Conseil de sécurité ou les États parties. C’est la consécration d’une justice politique, au mépris du principe de la séparation des pouvoirs. le Conseil de sécurité de l’ONU est le véritable procureur de la CPI, puisqu’il peut bloquer ou être à l’initiative des poursuites.
Le fait est d’autant plus choquant que trois membres du Conseil de sécurité, les États-Unis, la Russie et la Chine ne sont pas États parties. C’est consacrer doublement l’impunité des grandes puissances et de leurs alliés.

Or nul n’ignore la part prise par celles-ci, notamment la France et les États-Unis, dans les déstabilisations et les sanglantes guerres civiles qui déchirent l’Afrique. Limitant ses poursuites au continent africain, on ne voit pas comment la CPI pouvait dès lors ne pas être instrumentalisée au service des intérêts géostratégiques de celles-ci.
C’est ce qui s’est passé en Afrique francophone, où elle agit comme un nouvel instrument de la Françafrique. Loin de toute impartialité, elle a pris franchement partie dans la guerre civile qui, loin des caméras, continue à ensanglanter la Côte d’Ivoire : si Laurent Gbagbo est retenu à la Haye, en attente de son jugement, aucune poursuite n’est engagée contre les chefs des milices du nord, tels Guillaume Soro, qui ont plongé le pays dans la guerre civile et dont les massacres ont servi la venue au pouvoir de Ouattara. Au contraire, Soro a été chaleureusement reçu par Moreno Ocampo, procureur près de la cour jusqu’en juin 2012.

Quant au traitement réservé par les deux procureurs successifs de la CPI au sinistre Compaoré, il offense l’idée même d’une justice internationale. Après qu’Ocampo en a fait son interlocuteur privilégié, Fatou Bensouda, actuel procureur près la CPI, voit en lui « un acteur important dans la paix, la justice et le règlement des conflits ».
L’impunité dont jouit le plus grand fauteur de guerre en Afrique de l’ouest, celui qui a armé et entretenu les guerres civiles du Liberia, l’allié de Charles Taylor condamné pour complicité de crimes en Sierra-Leone, celui qui a suscité et nourri la rébellion en Côte d’Ivoire, donné asile aux rebelles du Mali, est consacrée, c’est un comble, par l’institution créée contre l’impunité !

Cette instrumentalisation politique de la CPI la réduit à n’être qu’une imposture.

Plutôt que la défendre aveuglément en l’état en spéculant sur une hypothétique amélioration, les ONG, dont Survie, qui ont soutenu le projet ambitieux d’une justice internationale doivent exiger une profonde réforme qui remette au premier rang la plainte des victimes quelles qu’elles soient, faute de quoi cette institution risque de sombrer dans un discrédit qui abolira pour longtemps l’espoir de voir reculer l’impunité.


 13 novembre 2013 par Odile Tobner


[1] Cf. Théophile Kouamouo, Cinq bonnes raisons de dire non à la CPI, in Le nouveau Courrier


Les éditos de Billets d'Afrique et d'Ailleurs de juin à octobre 2013


Retrouvez ici les éditos de juin, juillet, septembre et octobre 2013 du mensuel publié par SURVIE : Billets d'Afrique et d'ailleurs.
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Juin 2013 :

L’arroseur arrosé

Dans les pays développés, l’opinion publique commence à s’émouvoir de ce que, au moment où la charge fiscale pèse de plus en plus lourdement sur les épaules des contribuables, les plus grosses fortunes et surtout les grandes firmes multinationales y échappent presque totalement.
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 Juillet 2013 :

Après Serval, les vautours

Comme prévu, l’intervention française au Mali, forte de 4000 soldats français, de moyens matériels aussi coûteux que sophistiqués et de la « chair à canons » de 2000 Tchadiens, a vaincu sans péril les 2000 djihadistes équipés de pick-ups, de mitrailleuses et d’armes légères qui avaient pris le contrôle des localités du nord.
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Septembre 2013 :

Mercenaires et chevaliers

« Plus qu’un mercenaire, un chevalier ». C’est par ces mots que le Président du Conseil national des barreaux a choisi de saluer la mort de Jacques Verges, se joignant au concert de commentaires, tantôt flatteurs, tantôt acerbes ou critiques qui ont accompagné la disparition le mois dernier d’un avocat souvent présenté comme un héraut de l’anticolonialisme par ceux qui n’ont jamais daigné s’intéresser à son lourd passif françafricain. Un chapitre bien moins reluisant que les combats menés au service de l’indépendance de l’Algérie et de la défenses des opprimés.
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Octobre 2013 :

Du Valls dans un bas de soie

Selon notre gouvernement, la France de 2025 n’a rien à craindre de son parc de cinquante-huit réacteurs nucléaires, parc vieillissant dont le plus ancien est situé sur une faille sismique ; du chômage massif et de la paupérisation croissante de sa société ; de la faillite de l’ensemble de ses services publics ; de l’explosion des dépenses budgétaires nées des guerres sans fin menées par ses armées. Non, la France de 2025 n’est menacée que par deux choses : l’Islam et «  la démographie très importante » de l’Afrique, dixit notre ministre de l’intérieur - il faut sans doute comprendre « croissance démographique » -, sans que ces propos aient suscité la moindre opposition de ses collègues roses ou verts [1].
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Les Tirailleurs sénégalais, des mensonges d’État au devoir de réhabilitation

Survie Gironde participera les 29 et 30  novembre prochains à la première commémoration du massacre des tirailleurs sénégalais au camps de Thiaroye.

Le 1er décembre 1944, Thiaroye, village de pêcheurs à proximité de Dakar,
est réveillé à l’aube par des détonations d’armes automatiques, arsenal mis en
branle par le commandement militaire français de Dakar, pour mater dans le sang des ex-prisonniers de guerre dont le tort principal est de réclamer le paiement des rappels de solde avant d’être démobilisés 
Face aux promesses non tenues de l’administration militaire française, la colère gronde dans les rangs des Tirailleurs alors que les circulaires officielles, introuvables dans les archives, légitiment leurs revendications. 
Sous le prétexte de maintien de l’ordre, la hiérarchie militaire ordonne de faire feu sur les Tirailleurs sans défense qui s’étaient rebellés en refusant de rejoindre leurs villages respectifs.
Le bilan donné par le commandement de l’armée à Dakar, le 5 décembre 1944,
fait état de 24 Tirailleurs tués sur le coup et de 46 autres décédés après transfert
à l’hôpital, soit 70 Tirailleurs massacrés
Plusieurs dizaines de Tirailleurs ont été jugés et condamnés à des peines de prison. Selon le gouvernement français, le bilan officiel de ce massacre perpétré est, jusqu’à présent, de 35 Tirailleurs tués. 
Il compte parmi les pages très sombres de notre histoire.

À l’occasion de cette commémoration organisée pour la première fois, l’historienne Armelle Mabon, qui travaille depuis plusieurs années sur les prisonniers de guerre « indigènes » de la Seconde Guerre mondiale, revient sur cet épisode tragique proposant un état des lieux des dissimulations, des mensonges de l’armée couverts par le pouvoir civil.

Ces soldats de l’armée française spoliés et victimes de leur propre hiérarchie,
qui a commis contre eux un carnage, et dissimulé, voire même détruit les preuves de cette forfaiture, sont, jusqu’à présent, toujours les coupables à partir d’accusations mensongères.

Seul le pouvoir politique est aujourd’hui en mesure de reconnaître les
faits tels qu’ils se sont réellement déroulés et prendre toutes les dispositions
nécessaires pour corriger cette situation de déni de droit faite à ces soldats de
l’armée française.



vendredi 29 novembre à 16h

Armelle Mabon présentera ses travaux 

et échangera avec le public 

à Sciences-Po Bordeaux, salle Mauriac 

(tram B arrêt Montaigne-Montesquieu)

entrée gratuite et ouverte à toutes et tous

____________________


Samedi 30 novembre à 14h

Conférence d'Armelle Mabon

suivi de la projection du film de Serge Simon 

sur les tirailleurs "oubliés" au camp du Courneau à La Teste 

Athénée Municipal, place St Christoly

(tram A et B, arrêt hôtel de ville)

entrée gratuite


 
Programme du 30 novembre :
14h      ouverture
14h15 introduction par Ibrahima Thioub
14h30 Conférence d'Armelle Mabon
15h30 débat avec le public
16h15 pause
16h30 Projection du film de Serge Simon
17h30 échanges avec le réalisateur
18h      clôture de la journée







La paix en Afrique ne doit pas se décider à l’Elysée avec des dictateurs !

A l’initiative de François Hollande, un Sommet de l’Elysée sur la paix et la sécurité en Afrique aura lieu à Paris les 6-7 décembre. Il s’agit du premier Sommet France-Afrique organisé sous François Hollande, qui, a convoqué lui même ce sommet, choisi son thème et décidé de l’organiser à Paris, dans un lieu aussi symbolique que l’Elysée.

Signez la pétition Dictateurs à l’Elysée ! Dites non au Sommet de la honte !


Comme ses prédécesseurs, le Président français parait ainsi considérer le continent africain comme une zone qui ne doit pas échapper à l’influence de la France.
Dans la tradition des Sommets France-Afrique, la plupart des dictateurs africains du « pré-carré » francophone seront présents.

Parmi eux, le tchadien Idriss Déby, au pouvoir depuis 1990, Paul Biya (Cameroun, depuis 1982), Denis Sassou Nguesso (Congo-B, depuis 1979), Blaise Compaoré (Burkina Faso, depuis 1987), sans oublier les héritiers des régime Bongo et Eyadéma au Gabon et au Togo et le président djiboutien Oumar Guelleh.

Tous ont en commun de bénéficier du soutien diplomatique, économique (via l’aide publique) et militaire ou policier de la France.
Tous ont été reçus au moins une fois à l’Elysée depuis l’élection de François Hollande.
Tous soutiennent la France dans ses nombreuses interventions militaires menées sur le continent africain, où elle dispose toujours de bases militaires et de forces pré-positionnées.
En échange du soutien à ces interventions, comme celle menée récemment au Mali, c’est le silence de la France sur les exactions commises qui est attendu. Les démocrates tchadiens, togolais et djiboutiens ont ainsi subi dans leur chair en 2013 les conséquences diplomatiques du soutien de leurs chefs d’Etat à l’opération Serval .

Les dictateurs de la Françafrique sont auteurs de nombreuses violations des droits de l’Homme documentés par un grand nombre de rapports émanant d’ONG et organisations internationales.
Le soutien de la France à des dictateurs, les ventes d’armes et les nombreuses interventions militaires menées par la France sur le continent africain pour les soutenir (comme au Tchad en 2008) n’ont en rien amélioré la sécurité et les conditions de vie de leurs populations.
La situation actuelle en Centrafrique, où la France a installé et/soutenu tous les dictateurs qui se sont succédés est une des illustrations des conséquences de cette funeste politique.
Et lorsque la France prétend intervenir au nom des droits de l’Homme et dans un cadre multilatéral, comme elle l’a fait en Côte d’Ivoire, en Libye ou au Mali, c’est toujours avec des motivations ambiguës, liées à ses intérêts géostratégiques.

Considérant qu’un sommet sur la paix et la sécurité en Afrique ne doit pas se tenir à l’initiative et sur le sol d’une ex-puissance coloniale caractérisée par son ingérence sur le continent et en présence de dictateurs qui y ruinent tout espoir de paix, nous, associations et citoyen-ne-s français-e-s et africain-e-s réclamons :
  • L’annulation de ce sommet
  • La fin du soutien diplomatique, économique, militaire, policier et des ventes d’armes aux régimes répressifs
  • La suppression des bases militaires françaises en Afrique
Premiers signataires : Survie, MRD Djibouti,ARD Djibouti, Afriques en lutte, La Fédération des Congolais de la Diaspora (FCD),

Signez la pétition Dictateurs à l’Elysée ! Dites non au Sommet de la honte !


Pour dénoncer cette hypocrisie et dresser un bilan citoyen de l’interventionnisme militaire français en Afrique, nous proposons deux autres mobilisations en plus de la pétition

1. Le tribunal citoyen de la Françafrique : le mercredi 4 décembre, de 18h à 22h, au Grand Parquet à Paris.

Le tribunal citoyen de la Françafrique visera à dresser le bilan de 50 ans de Françafrique et d’interventions françaises sur le sol africain, à travers la mis en accusation de la Françafrique.
Un jury de citoyen-nes, un juge et des avocats seront en charge de mener à bien les interrogatoires de témoins – chercheurs, militant-e-s d’associations, personnalités africaines sur des questions ayant trait à la Françafrique – afin de faire apparaître les causes et les responsabilités en particulier sur les questions ayant trait à la sécurité/ insécurité et à la paix/guerre en Afrique, depuis les 15 dernières années (depuis le Sommet France-Afrique du Louvre). Des personnalités venues de différents horizons viendront témoigner sur les réalités qu’ils connaissent, à travers des témoignages courts d’une dizaine de minutes, afin d’édifier le jury.
Venez écouter ces témoignages sur les réalités de la Françafrique de ces 15 dernières années ou en savoir plus sur la réalité de la présence française en Afrique et de ce que cachent les discours sur la paix et la sécurité mis en avant au Sommet officiel de l’Elysée.

2. Un rassemblement inter-organisations, le jeudi 5 décembre à 18h place de la République à Paris

Un rassemblement est organisé à l’initiative de nombreuses organisations françaises et africaines Place de la République sous le mot d’ordre unitaire suivant :
  • annulation du sommet
  • fin du soutien diplomatique, économique, militaire, policier et des ventes d’armes aux régimes répressifs
  • suppression des bases militaires françaises en Afrique


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lundi 14 octobre 2013

Manifestation anti-Areva au Niger (lemonde)

Des milliers de personnes ont manifesté samedi 12 octobre dans la cité minière d'Arlit dans le nord du Niger contre le groupe nucléaire français Areva, qui exploite depuis plus de quarante ans l'uranium dans cette zone désertique, a-t-on appris auprès des organisateurs.
"L'objet de la manifestation qui a regroupé quelque 5 000 personnes est de soutenir le gouvernement dans ses prochaines discussions avec Areva au sujet de notre uranium", a indiqué Azaoua Mamane, l'un des organisateurs. Les manifestants – élus locaux et membres de la société civile, auxquels se sont joints des habitants –, ont défilé dans les rues de la ville en scandant des "slogans anti-Areva", qu'ils accusent de "polluer" leur environnement déjà très hostile. M. Mamane reproche également à Areva de "provoquer la radioactivité" et "de ne s'être guère soucié des préoccupations quotidiennes des habitants".
Il dresse un bilan accablant de la présence du groupe nucléaire français sur le sol nigérien depuis près d'un demi-siècle :
"La population a hérité de 50 millions de tonnes de résidus radioactifs stockés à Arlit et Areva continue de pomper gratuitement 20 millions de mètres cubes d'eau par an pendant que la population meurt de soif. Les rues et les habitations d'Arlit sont construits à l'aide de résidus radioactifs et la nappe phréatique usée et contaminée s'assèche par la faute d'Areva".
Le premier ministre du Niger, Brigi Rafini, a affirmé au début du mois que le Niger va "passer au peigne fin" ses contrats miniers avec Areva qu'il juge "déséquilibrés".
En mai, un double attentat à la voiture piégée contre l'armée nigérienne et Areva par les islamistes du Mujao avait fait vingt morts. Selon Areva, quatre-vingts ressortissants français sont présents au Niger sur trois sites et dans la capitale, Niamey.

lundi 30 septembre 2013

Rwanda 94: les clefs de la comprehension du genocide Tutsi

D’avril à juillet 1994, est perpétré le troisième génocide du XXe siècle : celui des Tutsi du Rwanda. Selon l’ONU, au moins 800 000 personnes y ont trouvé la mort en trois mois. A ce programme d’extermination des Tutsi se sont ajoutés des massacres de Hutu qui s’opposaient à cette horreur. En même temps qu’il s’apprête à commémorer le 20ème anniversaire de cette crise majeure, le monde s’interroge sur les raisons de la faillite éthique et politique qui l’a rendue possible. Pour nous, il va être aussi l’occasion de nous interroger sur l’attitude de notre pays à cette époque.
Vingt ans après, que savons-nous et comment comprendre une telle logique de mort ? Il ne s’agit pas d’une fatalité ethnographique, mais d’une tragédie de notre temps jouée sur le mode d’un « travail » délibérément organisé par une classe politique suivant des méthodes modernes. Quels calculs et quelle idéologie peuvent expliquer la haine qui a déchiré une vieille nation africaine ? Quelle propagande a pu construire une image du Tutsi, (le voisin, le collègue, le parent même) pour en faire la victime désignée (homme, femme, enfant) des violences les plus atroces et transformer des citoyens ordinaires en meurtriers de la pire espèce ?
Autant de questions auxquelles les historiens Marcel Kabanda et Jean-Pierre Chrétien, spécialistes de la région, chercheront à répondre.



Conférence de Jean-Pierre CHRETIEN et Marcel KABANDA: Cette conférence à deux voix sera ponctuée de pauses littéraires et suivie d’un débat :

  1. Le génocide des Tutsi, une logique d’extermination : les faits et les acteurs.
  2. Le produit d’une propagande et l’héritage d’une idéologie de races.
  3. Un projet politique extrémiste : le « Hutu power » et le bouc émissaire tutsi.
  4. L’inaction internationale : aveuglement ou complicités ? Prolongements négationnistes.
Jean-Pierre CHRETIEN et Marcel KABANDA sont historiens, membres du Centre d’études des mondes africains (CEM Af, CNRS -Université de Paris1). Ils ont été témoins experts auprès du Tribunal pénal international d’Arusha pour le procès des médias. Ils sont coauteurs de Rwanda, les médias du génocide (Karthala, 1995) et de Rwanda. Racisme et génocide (Belin 2013).
Jean-Pierre CHRETIEN , qui travaille sur cette région d’Afrique depuis un demi-siècle, est directeur de recherches émérite au CNRS , associé au Laboratoire des Afriques en mouvement (LAM, CNRS -IEP Bordeaux).
Marcel KABAND A est président de l’association IBUKA-France qui représente les victimes du génocide.
Alain RICARD, directeur de recherches au CNRS , membre du LAM, sera l’animateur de la soirée.

Invités: Bruce Clarke, artiste, plasticien et militant politique. Il est à l’initiative du projet artistique et mémoriel «Les Hommes debout ». Pour la ville de Bègles, l’artiste Bruce Clarke installe une peinture dans la Ville, mémorial pour les 20èmes cérémonies de commémoration du génocide des Tutsi du Rwanda en 2014. 
Adélaïde Mukantabana, présidente de l’Association CAURI .
Nos remerciements aux comédiens et musicien: Anna-Maria Venegas, Limengo Benano Melly et Ewa Tohinnou

Textes: «Murambi, le livre des ossements» de Boubacar Boris Diop ; «Survivantes» d’Esther Mujawayao ; «La fleur de Stéphanie», d’Esther Mujawayao et Souâd Belhaddad ; «Une saison de machettes» de Jean Hatzfeld ; «Rwanda, les médias du génocide» sous la direction de J.-P. Chrétien avec Reporters sans frontières ; « Dans le nu de la vie» de Jean Hatzfeld.

Nos remerciements à MC2A pour la présentation de l’oeuvre de Bruce Clarke dans le hall de la chapelle de Mussonville. Ce campus est co-organisé avec Guy Lenoir pour l’association MC 2A (MIGRATIONS CULTURELLES Aquitaine Afriques).

Chapelle de Mussonville,
Parc de Mussonville,
rue Alexis Labro
Bus liane 15, corol 34, citéis 43 (arrêt Kosma)

mercredi 3 juillet 2013

Retrouvez Survie Gironde dans les festivals d'été



Les 19 et 20 Juillet au Festival reggae de Bergerac





Du 25 au 27 Juillet aux Nuits Atypiques de Langon


 
Les 9 et 10 août au Fest'afrik à Tartas (40)
  Avec, entre autres, Ballaké Sissoko, le Gangbé Brass Band, Debademba, etc...




 

dimanche 30 juin 2013

La FIDH, la LDH et Survie déposent plainte contre Paul Barril pour complicité de génocide au Rwanda

Paris, le 26 juin 2013

La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), la Ligue française des droits de l’homme (LDH) et l’association Survie ont déposé ce lundi une plainte contre Paul Barril auprès du Tribunal de grande instance de Paris du chef de complicité de génocide pour avoir notamment contracté le 28 mai 1994 un accord d’assistance de fourniture d’armes et de munitions et de formation et d’encadrement, avec le Premier ministre du Gouvernement intermédiaire rwandais (GIR), Jean Kambanda.


Paul Barril est un ressortissant français, ancien capitaine de gendarmerie, qui a travaillé dans le domaine de la sécurité et a conseillé différents chefs d’Etats notamment en Afrique, et plus particulièrement au Rwanda. Il a dirigé plusieurs sociétés, dont SECRETS ainsi que le groupe GPB – Groupe Privé Barril.
C’est dans ce cadre que Paul Barril a conclu, le 28 mai 1994, un contrat d’assistance de fourniture d’armes et de munitions et de formation et d’encadrement, avec Jean Kambanda, le Premier ministre du Gouvernement intermédiaire rwandais de l’époque.

La FIDH, la LDH et Survie dénoncent la conclusion et l’exécution partielle par Paul Barril de ce contrat de fourniture d’armes et de munitions et de formation et d’encadrement, alors même que le Rwanda était en plein génocide et que la communauté internationale dénonçait ouvertement les multiples violations des droits de l’homme commises dans le pays. C’est dans ce contexte que le Conseil de sécurité des Nations Unies, par une résolution n°918 du 17 mai 1994, avait notamment adopté un embargo sur les armes interdisant la vente et la livraison « d’armements et de matériels connexes de tous types, y compris les armes et les munitions ».

Paul Barril, qui entretenait des relations privilégiées et de longue date avec les autorités rwandaises, était un fin connaisseur du contexte géopolitique rwandais de l’époque. Il ne pouvait dès lors ignorer les conséquences d’un tel accord permettant d’alimenter les crimes perpétrés au Rwanda durant cette période.
Enfin, l’Instruction devrait permettre de savoir si Paul Barril est seul en cause ou si d’autres responsables français ou d’une autre nationalité doivent être mis en cause.

La FIDH, la LDH et Survie saisissent donc aujourd’hui la justice française afin qu’une information judiciaire soit ouverte à l’encontre de Paul Barril pour complicité de génocide sur le territoire du Rwanda.


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Paris, le 27 juin 2013

Ouverture d’une information judiciaire suite au dépôt de plainte contre Paul Barril pour complicité de génocide au Rwanda


La Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), la Ligue française des droits de l’homme (LDH) et l’association Survie se félicitent de l’ouverture rapide d’une information judiciaire suite au dépôt, le 24 juin 2013, d’une plainte contre Paul Barril auprès du Tribunal de grande instance de Paris du chef de complicité de génocide pour avoir notamment contracté le 28 mai 1994 un accord d’assistance de fourniture d’armes et de munitions et de formation et d’encadrement, avec le Premier ministre du Gouvernement intermédiaire rwandais (GIR), Jean Kambanda.
L’ouverture d’une information judiciaire va permettre qu’un juge d’instruction soit saisi de ce dossier et qu’une enquête indépendante et approfondie soit ainsi menée. Dans ce cadre, la FIDH, la LDH et Survie, en qualité d’organisations plaignantes, seront informées de l’évolution de l’instruction et pourront apporter leur contribution à son avancement au juge en charge de l’affaire.

Par cette plainte, la FIDH, la LDH et Survie dénoncent la conclusion et l’exécution partielle par Paul Barril de ce contrat de fourniture d’armes et de munitions et de formation et d’encadrement, alors même que le Rwanda était en plein génocide, que la communauté internationale dénonçait ouvertement les multiples violations des droits de l’homme commises dans le pays et que le Conseil de sécurité des Nations Unies, par une résolution n°918 du 17 mai 1994, avait notamment adopté un embargo sur les armes interdisant la vente et la livraison « d’armements et de matériels connexes de tous types, y compris les armes et les munitions ».

Paul Barril, ancien capitaine de gendarmerie, qui a travaillé dans le domaine de la sécurité et a conseillé différents chefs d’Etats notamment en Afrique, entretenait des relations privilégiées et de longue date avec les autorités rwandaises, et était un fin connaisseur du contexte géopolitique rwandais de l’époque. Il ne pouvait dès lors ignorer les conséquences d’un tel accord permettant d’alimenter les crimes perpétrés au Rwanda durant cette période.



Revue de presse :

Libération
La Croix
Afrikarabia2
L'express
Le Point
France Culture
RFI




lundi 3 juin 2013

1993 : que savait-on un an avant le génocide des Tutsi au Rwanda ?

Article du mensuel Billets d'Afrique 224 - mai 2013. Pour recevoir l'intégralité des articles publiés chaque mois, abonnez vous.


La France a fourni un appui au régime qui a commis le génocide des Tutsi de 1994. Les autorités de notre pays l’ont-elles fait en connaissance de ce que leurs alliés rwandais préparaient alors ? 
Vingt ans après, selon les pièces découvertes par les différents travaux judiciaires, parlementaires ou journalistiques, le doute n’est pas permis.

Quand, en janvier 1993, Jean Carbonare, de retour d’une mis­sion internationale d’enquête au Rwanda alerte l’opinion française de l’imminence du génocide [1], il n’est pas en possession d’informations exclusives : il ne fait que confirmer des informations qui circulent déjà parmi la communauté internationale et notamment dans les services français, qui font état de massacres de Tutsi entre 1990 et 1993 et du risque de massacres de plus grande ampleur.

Le mot « génocide » envisagé dès 1992

Le mot de génocide est même envisagé en 1992 dans un rapport de la Ligue belge de défense des Droits de l’homme pour décrire le massacre des Tutsi Bagogwe [2]. Le rapport belge ne laisse planer aucun doute sur la responsabilité des autorités rwandaises de l’époque : « La situation s’est caractérisée par une intervention de l’armée et des autorités civiles pour attiser la tension et, ensuite, soit encadrer des groupes de paysans qui s’en allaient accomplir la sale besogne, soit assurer des groupes autonomes de paysans de l’impunité complète, ou encore perpétrer eux-mêmes des exactions ». L’ambassadeur belge, dans un rapport à sa hiérarchie en mars 1992, est explicite : « Nous venons de recevoir [...] une liste des membres de l’état- major secret chargé de l’extermination des Tutsi du Rwanda et d’écraser l’opposition hutue intérieure. »

De même, en 1993, Bacre Waly Ndiaye, rapporteur spécial de l’ONU sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, alerté par la mission à laquelle Jean Carbonare a participé, se rend au Rwanda et rédige un rapport qui confirme les conclusions de la mission. Même les autorités rwandaises y « reconnaissent la substance des allégations contenues dans le rapport. En particulier, l’existence de massacres de populations civiles y est admise et regrettée, de même qu’une certaine responsabilité de quelques auto­rités rwandaises », arguant néanmoins que la faute en reviendrait au FPR [3] en attaquant le pays aurait provoqué un « amalgame » et la « désignation collective de tous les Tutsi » comme ennemi intérieur. Bacre Waly Ndiaye précise que « si pour la majorité de la population la cohabitation pacifique entre les deux ethnies principales est possible, il existe cependant une certaine élite qui, pour s’accrocher au pouvoir, continue à alimenter la haine ethnique ».

En décembre 1993, des officiers des Forces armées rwandaises (FAR) [4], se désolidarisant de leur hiérarchie, adressent une lettre à Roméo Dallaire, le commandant de la force de l’ONU au Rwanda – mais aussi à de nombreux diplomates. Ils y dénoncent un groupe de militaires proches des premiers cercles du pouvoir, qui, refusant les accords de paix, mènent « des manœuvres diaboliques tendant à semer le désordre et la désolation au sein de la population ».
Pour les auteurs de cette lettre : « Les événements qui viennent de se produire à Kirambo, Mutura, et Ngenda sont suffisamment élo­ quents. D’autres massacres du genre sont en train de se préparer et devront s’étendre sur toutes les régions du pays à commencer par les régions dites à forte concentration de l’ethnie tutsi notamment le Bugesera, Kibuye, Kibungo, etc. Cette stratégie vise à faire croire à l’opinion qu’il s’agit de troubles à caractère ethnique et à inciter le FPR, comme ce fut le cas en février 1993, à violer le cessez-le-feu, ce qui servirait de prétexte pour la reprise des hostilités ».

Déjà en 1990...

Quand, en 1990, attaqué par le FPR, le régime d’Habyarimana fait appel à ses alliés, la Belgique et la France répondent présents et fournissent des troupes. Mais très vite, les Belges constatent les exactions, « les arrestations arbitraires et les massacres de Tutsi organisés par les FAR » [5].
Cela occasionnera un vif débat au parlement belge où un député s’exclamera « soit on reconnaît qu’il s’agit d’une opération militaire de soutien à un régime scandaleux, et on reste ; soit on rassemble les Belges qui le souhaitent et on part » [6]. Et les Belges partent effectivement, trois semaines après ce débat. Mais les Français restent.

Ce qu’en savait la France

Les militaires et la diplomatie française, très implantés au Rwanda et proche des extrémistes ne sont évidemment que trop bien informés de ce qui se passe et conscients des risques à venir. Ainsi, dès le 13 octobre 1990, le colonel Galinié, attaché de Défense à l’ambassade de France indique dans un télégramme que « les paysans hutus organisés par le MRND [7] ont intensifié la recherche des Tutsis suspects dans les collines, des massacres sont signalés dans la région de Kibilira à 20 kilomètres nord-ouest de Gitarama. Le risque de généralisation, déjà signalé, de cette confrontation, paraît ainsi se concrétiser ».

Le même mois, l’ambassadeur français Martres remonte à Paris que « les Tutsi sont convaincus que si la victoire du pouvoir actuel était totale [face au FPR], le départ des troupes françaises et belges aurait pour résultat d’aggraver la répression et les persécutions et conduirait à l’élimination totale des Tutsi » (même si la suite des événements éclaire cette intuition d’un jour très différent sur le supposé rôle protecteur des troupes françaises).

A l’inverse, le colonel Galinié considère fin octobre 1990 que c’est le rétablissement d’un « royaume tutsi » qui entraînerait « selon toute vraisemblance l’élimination physique à l’intérieur du pays des Tutsis, 500 000 à 700 000 personnes, par les Hutus, 7 000 000 d’individus. » [8] Quelles que soient les divergences dans ces analyses, elles démontrent dès 1990, que la France intervient auprès du régime rwandais en toute conscience du risque génocidaire.

Les autorités françaises continuent aussi à fournir des armes au régime rwandais alors qu’elles savent pertinemment qu’il arme la population. Ainsi le colonel Cussac, attaché de défense à Kigali écrit dans un télégramme du 22 janvier 1992 : « Le ministère de l’Intérieur rwandais a décidé [...] d’armer la population de la zone frontalière. 300 armes [...] seront distribuées dans le secteur de Ruhengeri et Byumba et 76 dans le Mutara ». Il indique que les armes sont données à des « personnes constituées en milice d’auto-défense » et s’interroge : « Les armes ne seront-elles utilisées que contre le FPR ? Ne risquent-elles pas de servir à l’exécution de vengeances person­ nelles, ethniques ou politiques ? »

Les réponses à ces questions semblent pour le moins évidentes dans les contexte des massacres qui se déroulent de 1990 à 1993.

L’ambassadeur français rend même compte du numéro de décembre 1990 de la revue Kangura comme accentuant « la nervosité de la population au sein de laquelle l’idéologie de l’extrémisme hutu gagne du terrain chez les uns, tandis qu’elle terrorise les autres » [9].

Il faut préciser que dans ce numéro de Kangura figure les « 10 commandements du Hutu », qui assènent ouvertement l’idéologie raciste désignant les tutsi comme l’ennemi, de même que tout hutu qui s’opposera à cette idéologie.
 
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Le fac-similé de la quatrième de couverture du numéro de décembre 1990 de la revue extrémiste Kangura avec le portrait de François Mitterand sous-titrée « un véritable ami du Rwanda ».

 

Un rapport éloquent

La mission de Jean Carbonare s’adresse aussi à l’ambassadeur Martres avant de revenir en France. Le 19 janvier 1993, celui-ci relate les informations dont Carbonare lui fait part dans un télégramme :
« Le rapport que la mission déposera à la fin du mois de janvier en Belgique ne fera qu’ajouter l’horreur à l’horreur déjà connue. En revanche, M. Carbonare affirme que la mission a obtenu les aveux d’un membre « repenti » des « escadrons de la mort », Janvier Africa, [...]. Ces aveux démentent la thèse officiellement adoptée selon laquelle ces violences ethniques ont été provoquées par les réactions de la population aux attaques du FPR. Selon Janvier Africa, les massacres auraient été déclenchés par le président Habyarimana lui-même au cours d’une réunion de ses proches collaborateurs. M. Carbonare m’en a présenté la liste (les deux beaux-frères du président, Casimir Bizimungu, les colonels Bagosora, Nsen­giyumva, Serubuga, etc.).
Au cours de cette réunion, l’opération aurait été programmée, avec l’ordre de procéder à un génocide systématique, en utilisant, si nécessaire, le concours de l’armée et en impliquant la population locale dans les assassinats, sans doute pour rendre celle-ci plus solidaire dans la lutte contre l’ethnie ennemie ».
Ce télégramme diplomatique, qui confir­me que les autorités françaises étaient pleinement informées de la planification du génocide par leurs alliés rwandais, présente l’intérêt supplémentaire d’accuser nominativement certains extré­mistes politiques et militaires. Il y est d’ailleurs question du colonel Serubuga, qui malgré ces accusations très anciennes, coulera des jours paisibles en France pendant des années, à Strasbourg notamment, malgré une plainte portée par Survie, la FIDH et le CPCR entre autres.

Au vu de ces quelques documents – il en existe d’autres - il n’est pas possible aux autorités françaises, vingt ans après, d’invoquer l’ignorance pour justifier leur engagement de 1990 à 1993 aux côtés du futur régime génocidaire.
Illustration issue de copainsdavant.com d’un militaire français de l’opération Noroit (1993) aux côtés d’un militaire des FAR.
 
[1] Journal télévisé de 20 h sur Antenne 2 le 24 janvier 1993. Jean Carbonare, décédé en 2009 a été président de Survie de 1988 à 1994. Voir Il y a 20 ans... le génocide des Tutsi au Rwanda était en préparation et la France savait, Survie, 24 janvier 2013

[2] D’après la fondation Ntarama, la population des Bagogwe passera de 100 000 à 50 000 personnes de 1990 à 1992 et sera entièrement éliminée en 1994. Voir Le massacre des Bagogwe, un prélude au génocide des Tutsi, Rwanda 1990-1993, Diogène Bideri, l’Harmattan. Cet ouvrage indique d’ailleurs que des militaires français étaient parfaitement au courant de ces massacres et que leur rôle auprès des tueurs, via la formation notamment, doit être établi.

[3] Le Front patriotique rwandais est une coalition de , qui Rwandais en exil qui ont fui le régime au pouvoir et les massacres de Tutsi dans les décennies précédentes et qui combattent le régime depuis 1990.

[4] L’armée du régime d’Habyarimana puis du régime génocidaire

[5] Noirs et Blancs menteurs, Philippe Brewaeys, Racine RTBF, mars 2013

[6] Député écologiste Xavier Winkel, 11 octobre 1990, cité dans Noirs et blancs menteurs.

[7] Mouvement révolutionnaire national pour le développement, parti unique, jusqu’en 1991, du président Habyarimana

[8] Télégramme du colonel Galinié du 24 octobre 1990

[9] Télégramme diplomatique du 19 décembre 1990



lundi 20 mai 2013

L'édito de Billets d'Afrique et d'Ailleurs (mai 2013)

Retrouvez ici chaque mois l'édito du mensuel publié par SURVIE :
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Peuples otages

 

On ne peut que se réjouir de la libération de la famille Moulin-Fournier, enlevée dans le Nord Cameroun et détenue pendant deux mois au Nigeria par des activistes de Boko Haram. On ne saurait cependant considérer ce dénouement comme une victoire, encore moins féliciter le président camerounais Biya pour son entregent.

Si nul n’est assez naïf pour être dupe de la version officielle des conditions de la libération, les médias n’ont cependant pas manqué de fournir leur lot habituel d’âneries. Le pompon revient à l’aphorisme proféré sur un plateau télé par un certain Yves Bonnet à propos du despote camerounais : « Il vaut mieux avoir un bon dictateur en place qu’un mauvais démocrate ». C’est en fondant sa politique africaine sur ce « principe » que la France a mené les pays africains francophones au chaos.
Son caractère raciste n’est pourtant pas douteux : appliquée à notre pays, la même « vérité » susciterait un tollé général. Marque d’une classe politique et médiatique en totale déshérence, cette idéologie nauséabonde est affichée avec le plus grand éclat au moment où les faits lui apportent le démenti le plus cinglant qui se puisse imaginer.

L’enlèvement de la famille Moulin-Fournier est la preuve éclatante que l’État despotique camerounais est incapable de faire régner la sécurité sur son territoire. Régulièrement classé parmi les plus corrompus au monde, comment pourrait-il juguler une criminalité dont il est un des acteurs, notamment ses forces de l’ordre, championnes toutes catégories en matière de corruption. Quand le banditisme devient intolérable, il prétend y répondre par de sanglantes opérations de maintien de l’ordre, consistant à abattre sans procès tout suspect, habituellement jeune et pauvre, sans faire reculer en rien la grande criminalité, logée au cœur du système. Soutenir ce régime exécré, c’est mettre en danger la vie des Français qui circulent dans ce pays.

Ce n’est pas un hasard si la France arrive en tête par le nombre de ses ressortissants pris en otages : l’Afrique retenait en février une douzaine d’otages français. Les tentatives de libération par la force se sont toutes soldées par la mort des otages. Dernier échec en date, Denis Allex est mort en Somalie le 12 janvier à la suite du raid infructueux de commandos français. En janvier 2011, Antoine de Léocour et Vincent Delory, enlevés à Niamey, sont morts au cours de l’attaque aérienne menée par l’armée française contre les véhicules de leurs ravisseurs. La seule alternative à ces assauts meurtriers est le paiement de lourdes rançons. Il s’agit donc toujours d’une défaite.

La question qu’il faut se poser, et que pourtant nul ne pose, est la suivante : la France a-t-elle l’intention et les moyens d’anéantir en Afrique tous ceux qui lui veulent du mal, dont le nombre semble croître sans cesse ? Faudra-t-il tuer de plus en plus d’Africains pour pouvoir continuer à occuper leurs pays ? Question subsidiaire : comment en sommes-nous arrivés là ?

Lors de sa libération Tanguy Moulin-Fournier, cadre de GDF-Suez opérant au Cameroun, a déclaré son bonheur de pouvoir retrouver ses « frères camerounais ». Nous ne mettons pas en doute les liens d’affection qui peuvent l’unir à des Camerounais, mais dans les circonstances présentes nous sommes bien au-delà des relations personnelles : il s’agit du destin de peuples entiers.
Que font Areva au Niger, Total, GDF-Suez au Cameroun ? Quelles sont les conditions d’exploitation des ressources camerounaises par ces multinationales ?

Quel est le niveau de vie, de liberté, de droits civiques et humains des Camerounais ?

Est-ce que le peuple camerounais n’est pas le grand et le seul otage des forces du despotisme et du colonialisme liguées contre lui, qui le maintiennent prisonnier sur son propre sol, avec l’interdiction de tenter d’échapper à son malheur ?

7 mai 2013 par Odile Tobner



mercredi 15 mai 2013

Françafrique : un engagement non tenu de François Hollande, des reculs préoccupants


Publié le 15 mai 2013 par Survie
 
Un an après l’investiture du président de la république, et malgré les efforts de la communication élyséenne et de certains médias pour faire passer comme symboles de la fin de la Françafrique des visites supposées sous tension de dictateurs ou encore l’intervention unilatérale de la France au Mali, l’association Survie rappelle que la politique gouvernementale est à l’opposé de son engagement n°58 de « rompre avec la Françafrique ».

La Françafrique, mise en lumière par François-Xavier Verschave et l’association Survie dans les années 90, est un ensemble de pratiques qui ont évolué au cours du temps, toujours dans le même objectif criminel d’influence stratégique et de pillage économique des pays africains. L’analyse produite à l’époque avait notamment mis en exergue la continuité de ces pratiques, quelle que soit l’étiquette politique du gouvernement français. La Françafrique perdure à travers des pratiques illégales, mais surtout à travers des mécanismes institutionnels d’ordre diplomatique, économique, militaire, que le nouvel exécutif s’est employé à conforter depuis un an tout en prétendant le contraire.

Avant tout, la présidence de François Hollande marque la réhabilitation de l’interventionnisme français en Afrique et de sa présence militaire. L’opération Serval, préparée en amont et présentée comme la seule option envisageable pour empêcher l’effondrement du Mali, vient relégitimer l’ingérence militaire et politique de la France au Sahel, en réhabilitant au passage le dictateur tchadien et ses soldats, armée supplétive de la France et allié indispensable à l’habillage multilatéral de l’intervention. Alors que depuis quelques années, la tendance était à la réduction des effectifs militaires français en Afrique, pour des raisons budgétaires, la « grande muette » a saisi l’occasion de la guerre au Mali pour se réaffirmer comme un acteur incontournable de la politique africaine de la France [1], et pour ré-légitimer, y compris auprès du Parlement, sa présence permanente en Afrique [2].

Avec cette intervention au Mali, la France a obtenu une reconnaissance accrue de son rôle de gendarme de l’Afrique par et pour ses alliés, en particulier les Etats-Unis et l’Union Européenne et, à l’instar des interventions en Libye et en Côte d’Ivoire en 2011, le nouvel exécutif français continue de décrédibiliser l’ONU en instrumentalisant le droit international et en « tenant le crayon » pour les résolutions du Conseil de sécurité destinées à légitimer son ingérence militaire directe. L’absence d’intervention en Centrafrique pour sauver le dictateur Bozizé, ancien protégé de la France, et abondamment commentée comme un signal de rupture avec la Françafrique, ne saurait masquer le jeu de dupes consistant à lâcher un ancien allié, tellement coutumier dans l’histoire françafricaine.

Au niveau diplomatique, la réception à l’Elysée de « dictateurs amis de la France » s’est poursuivie. Si la réception du dictateur gabonais Ali Bongo dès le 5 juillet 2012 avait suscité la polémique, la pratique s’est depuis « normalisée » avec les visites du burkinabè Blaise Compaoré, du tchadien Idriss Déby, du camerounais Paul Biya, du congolais Sassou Nguesso... sans oublier le roi du Maroc Mohammed VI, ou encore le président ivoirien Alassane Ouattara, installé au pouvoir en 2011 par l’armée française au terme d’une « élection » aussi impartiale que la justice des vainqueurs qui l’a suivie.

Le pré-carré françafricain n’a en réalité connu aucun véritable remous, en dépit de la déclaration de François Hollande que le 6 mai 2012 soit « une mauvaise nouvelle pour les dictateurs ». Ces dictateurs peuvent continuer à réprimer sévèrement leur opposition et les mouvements de société civile sans craindre de condamnation publique, à l’instar des exactions commises ces dernières semaines par Ismail Omar Guelleh, l’allié djiboutien, suite aux protestations contre des élections frauduleuses. Idriss Déby l’a bien compris, en multipliant ces jours-ci les arrestations arbitraires au Tchad, sous l’œil tolérant de l’Elysée qui lui est redevable de son soutien actif dans la guerre au Mali. Nous avons certes assisté à une dénonciation timide du "musellement de l’opposition" au Togo, mais nous sommes bien loin des protestations diplomatiques qu’on serait en droit d’attendre d’un président se disant soucieux de la démocratie. Pour le gouvernement, les élections en Afrique semblent n’être qu’un simple habillage démocratique, même au Mali, où la diplomatie française dicte le calendrier électoral tout en admettant que les élections ne pourront se dérouler parfaitement, et foulant aux pieds la souveraineté d’un Etat.

La spécificité coloniale de la tutelle monétaire exercée par la France sur une quinzaine de pays d’Afrique n’a pas non plus connu de remise en question : malgré une timide note critique de François Hollande dans son discours de Dakar au sujet du Franc CFA, mais dont il réaffirmait le bien fondé, les autorités françaises ont en novembre célébré avec faste les 40 ans des accords de coopération monétaire avec les pays de la zone Franc. Que ces accords maintiennent de facto un contrôle de Paris sur la politique monétaire de ces pays ne semble pas émouvoir ceux qui célèbrent aujourd’hui la prétendue fin de la Françafrique.

Enfin, concernant les entreprises françaises en Afrique, fer de lance du pillage du continent mais également de la grandeur économique de la France, Laurent Fabius avait donné le ton dès la conférence des ambassadeurs en réaffirmant le principe d’une "diplomatie économique", toute entière dédiée à la conquête des marchés émergents par les patrons hexagonaux [3]. En Afrique, c’est donc « business as usual », avec le chiffre d’affaire et la balance commerciale comme seuls aiguillons de l’action politique. Les entreprises, qui se sont retrouvées bien représentées aux Assises du développement voulues par Pascal Canfin [4], continuent d’être les grandes bénéficiaires de l’aide publique au développement française.

Exemple symptomatique, les Contrats Désendettement Développement (C2D) instaurés par la droite ont été tout de suite repris par la gauche : sous couvert d’annulation de dette (que l’Etat bénéficiaire rembourse pourtant au final), des montants colossaux sont versés pour financer des projets cornaqués par l’Agence Française de Développement (AFD) et pour lesquels les entreprises françaises décrochent régulièrement le pactole. Un beau cadeau pour les firmes, parfois présentes depuis des années dans des pays où l’on cherche en vain leur impact sur le « développement », et dont on prétend qu’elles vont cette fois-ci contribuer à servir l’intérêt collectif.

La seule bonne nouvelle concernant le contrôle de ces pillards du continent, n’est pas liée à une réforme de la politique africaine de la France : la nouvelle loi bancaire en France et les discussions en cours à l’échelle européenne sur la transparence financière dans l’industrie extractive et forestière, imposent de publier certaines données financières afin de faciliter le contrôle des relations entre multinationales et gouvernements. Elles sont donc à saluer comme des avancées... qui restent toutefois bien timides pour un candidat qui affirmait être l’ennemi de la finance.

L’engagement n°58 du candidat François Hollande était : « Je romprai avec la "Françafrique", en proposant une relation fondée sur l’égalité, la confiance et la solidarité ». La suppression annoncée de la cellule africaine de l’Elysée (que le gouvernement précédent avait également revendiquée) et l’apparente froideur protocolaire vis à vis de certains despotes, dont se targue le nouvel exécutif, ne sauraient suffire à concrétiser un tel engagement. Ce dont ont besoin la démocratie française et les peuples africains qui subissent les conséquences directes de notre politique étrangère, c’est une réforme radicale des institutions et des pratiques autour desquelles est construite cette politique [5]. 


Contact presse :
Danyel Dubreuil danyel.dubreuil@survie.org Tél : 01 44 61 03 25 http://survie.org


[1] A ce sujet, la réponse de Laurent Fabius, interrogé le 16 mars 2013 sur un démantèlement des bases françaises en Afrique, est éloquente : « Je ne sais pas où vous êtes allez chercher cette histoire de démantèlement. C’est bien la première fois que j’en entends parler. Nous sommes tout à fait présents au Tchad et dans beaucoup d’autres pays d’Afrique. Nous sommes même présents dans le Golfe. Heureusement que nous sommes présents. (…) la France est là et bien là » (http://www.camer.be/index1.php?art=...)

[2] Voir le communiqué de presse de Survie du 29 avril 2013, "France-Mali : les militaires remportent leur guerre d’influence au Parlement et à l’ONU" (http://survie.org/francafrique/mali...) et l’article publié dans Billets d’Afrique n°224 de mai 2013, "Opération Serval : un rapport sans accroc pour un vote sans surprise (et réciproquement) " (http://survie.org/billets-d-afrique...)

[3] Voir l’article publié dans Billets d’Afrique n°218 de novembre 2012, "Un gouvernement au service des entreprises françaises en Afrique" (http://survie.org/billets-d-afrique...)

[4] Voir l’article publié dans Billets d’Afrique n°222 de mai 2013, "Les Assises du Développement à la gloire des entreprises" (http://survie.org/billets-d-afrique...)

[5] Le 15 mai 2012, jour de l’investiture de François Hollande, l’association Survie avait demandé au nouveau président de prendre 5 engagements pour faire "un premier pas vers une politique française en Afrique au service des peuples" : http://survie.org/francafrique/arti.... Ce premier bilan, après un an, montre que nous en sommes loin

samedi 4 mai 2013

MALI: A. Traoré interdite de séjour en France

Alors qu'elle devait se rendre en France pour discuter de la situation au Mali, la France a tout fait pour empêcher la venue d'Aminata Traoré, intellectuelle altermondialiste malienne, dont les propos critiques à l'égard de l'intervention française semblent avoir dérangé, voire effrayé Hollande et son gouvernement.
Voici son analyse de la situation au Mali et sa réponse à sa non-venue sur le sol français.
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"Toute société impérialiste voit dans l'Autre la négation de l'idéal qu'elle s'efforce, elle-même, d'atteindre. Elle cherche à le domestiquer en l'attirant dans le champ d'application de son idéal et en l'y situant au degré le plus bas." Wolfgang Sachs (1)

1. QUE SOMMES-NOUS DEVENUS AU MALI ? "A qui allons-nous rendre les clés ?" est la question posée par Pierre Lellouche, député UMP et Président du groupe Sahel de la Commission des Affaires Etrangères de l'Assemblée Nationale française à propos du Mali. C'était le 22 avril 2013, lors du débat parlementaire qui a précédé le vote de la prolongation de l'opération Serval. Comme pour lui répondre, Hervé Morin, ancien ministre (UMP) de la Défense dit "Mais il n'y a personne à qui passer la main". Comme une lettre à la poste, la prolongation demandée a été adoptée à l'unanimité. S'agissant de l'organisation de l'élection présidentielle en juillet 2013. La France officielle est non seulement unanime mais intransigeante Je serai "intraitable" a prévenu le Président François Hollande. Ce mot est dans toutes les têtes ici et nous a blessés. Le ministre de la Défense Jean Yves Le Drian estime à ce sujet qu' "il faut dire les choses fortement" (RFI). Les Maliens qui ont accueilli le Président François Hollande en libérateur s'imaginaient que l'Opération Serval débarrasserait rapidement leur pays de Al Qaeda au Maghreb Islamique (AQMI) et ses affiliés d'Ansar Dine et du MUJAO et que la vie reviendrait comme avant. L'intervention militaire a incontestablement réduit la capacité de nuisance des djihadistes en en tuant quelques centaines et en détruisant d'énormes stocks d'armes et de carburant. Mais les villes de Gao et Tombouctou sont libérées sans l'être totalement puisque des groupes que le discours officiel qualifie de "résiduels" opèrent dans ces localités et y commettent des attentats. Fait plus préoccupant, Kidal est entre les mains du Mouvement National de Libération de l'Azawad (MNLA) qui interdit à l'armée malienne d'y accéder. De peur de s'enliser, la France revoit ses effectifs à la baisse sans pour autant se retirer. Sa coopération avec la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) dans la mobilisation des troupes africaines de la Mission Internationale de Soutien au Mali (MISMA) étant loin d'être satisfaisante. La Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies au Mali (MINUSMA) entrera en action en juillet. La France ne s'enlisera pas. Mais dans quelle aventure a-t-elle embarqué notre pays alors qu'il ne s'y était pas préparé ? Et quel Mali laisserons-nous aux générations futures ? Celui où le départ du dernier soldat français a été l'un des temps forts de sa décolonisation et qui aujourd'hui perd ce qui lui restait de souveraineté ? Confiant dans son rôle de libérateur, le Président Hollande nous a promis lors de son passage à Bamako une nouvelle indépendance, "non pas contre le colonialisme, mais contre le terrorisme". Comme s'il appartenait à la France de nous sauver d'un péril auquel elle n'est pas étrangère si l'on remonte à son intervention en Libye. L'Homme malien est-il suffisamment entré dans l'histoire ? Est-il sujet de son propre devenir de manière à jouir de son droit de dire "non" aux choix et aux décisions qui engagent son destin ? La militarisation comme réponse à l'échec du modèle néolibéral dans mon pays est le choix que je conteste. Interdite de séjour dans les pays de l'espace Schengen, je regarde avec admiration et respect, la mobilisation et la détermination des peuples d'Europe à lutter contre le même système qui en toute quiétude nous broie, ici en Afrique.

2. L'EFFONDREMENT DU CAPITALISME MALIEN "GAGNANT" Le Mali ne souffre pas d'une crise humanitaire et sécuritaire au nord du fait de la rébellion et de l'islam radical et d'une crise politique et institutionnelle au sud en raison du coup d'Etat du 22 mars 2012. Cette approche réductrice est la première et véritable entrave à la paix et la reconstruction nationale. Nous avons assisté surtout à l'effondrement d'un capitalisme malien prétendument gagnant au coût social et humain fort élevé. Ajustement structurel, chômage endémique, pauvreté et extrême pauvreté, sont notre lot depuis les années 80. La France et les autres pays européens ont juste une trentaine d'années de retard sur le Mali, et ses frères d'infortune d'Afrique, soumis depuis plus de trois décennies à la médecine de cheval du Fond Monétaire International (FMI) et de la Banque mondiale. Selon le CNUCED (rapport 2001), l'Afrique est le continent où la mise en œuvre des PAS a été la plus massive, la plus poussée et la plus destructrice le long des décennies 80 et 90 au cours desquelles les institutions internationales de financement ne se sont préoccupées que de la correction des déséquilibres macro-économiques et des distorsions du marché en exigeant des Etats des documents de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP). Le credo de Margaret Thatcher "There Is No Alternative" (TINA) marche à merveille sous nos cieux. Il revient à dire au plan économique "libéralisez vos économies à tout prix", au plan politique "Démocratisez selon nos normes et nos critères" et dans le cas du Mali "votez en juillet". A cet agenda, suffisamment périlleux, s'ajoute, à présent, le volet militaire "sécurisez vos pays selon nos méthodes et conformément à nos intérêts". Sacrifié sur l'autel du commerce dit libre et concurrentiel, mais parfaitement déloyal comme l'illustrent les filières cotonnière et aurifère, et sur celui de la démocratie formelle, le Mali est en train de l'être, également, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. La rébellion du Mouvement Nationale de libération de l'Azawad (MNLA), le coup d'Etat, et le recrutement des jeunes chômeurs et affamés au nord comme au sud du pays par AQMI, Ansar Dine et MUJAO s'inscrivent dans un environnement national explosif. Il a été marqué en fin 2011 et début 2012 par des marches de protestations contre la vie chère, le chômage, la précarité, le référendum constitutionnel, la question foncière, la corruption et l'impunité. Mis à part la petite minorité des nouveaux riches, c'est le peuple malien qui est le grand perdant de l'ouverture de l'économie nationale aux forceps. Il est diverti par le discours mensonger et soporifique sur l'exemplarité de notre démocratie et de nos performances économiques qui étaient semble-t-il les meilleures de l'UEMOA. Les voix discordantes sont ostracisées.

3. DENI DE DEMOCRATIE Démocratique à l'intérieur de ses frontières, lorsqu'on considère la teneur et la vivacité du débat dans l'hémicycle et dans la rue sur le mariage pour tous, par exemple, elle se montre intraitable dans ses relations avec le Mali. Ne pas voir le moindre mal dans son retour en force. Ne rien savoir de ses desseins ou faire semblant de ne pas savoir. Chanter et danser à sa gloire si l'on veut être dans ses bonnes grâces, exister politiquement et circuler librement en Europe. S'y refuser, reviendrait à ne pas être avec elle, donc contre elle. On se croirait au lendemain des attentats du World Trade Center aux Etats-Unis d'Amérique en 2001, au moment où le Président américain Georges W Bush déclarait : "Ou bien on est avec nous, ou bien on est avec les terroristes". Dans mon cas ce sont les idées de gauche sur les ravages de la mondialisation néolibérale en Afrique qui sont devenues subversives. Elles m'avaient pourtant valu d'être l'invitée du Parti Socialiste à son université de la Rochelle en 2010. Pour brouiller le sens de mon discours et de mon combat j'ai été qualifiée d'abord de pro-putschiste et d'anti-CEDEAO, avant l'étape actuelle de mon assignation à résidence. Je suis redevable à Karamoko Bamba du mouvement N'KO de cette pensée africaine selon laquelle "celui qui a le fusil ne s'en sert pas pour prendre le pouvoir. Et celui qui détient le pouvoir l'exerce dans l'intérêt du peuple et sous son contrôle". Pourquoi devais-je faire porter l'entière responsabilité de l'effondrement de l'Etat aux laissés-pour-compte d'une armée gangrenée, comme les autres institutions de la République, par la corruption, le népotisme et l'impunité ? Il ne peut être reproché aux militaires de ne pas savoir défendre un pays dont les élites politiques et économiques, non seulement acceptent de l'ouvrir au marché dans les pires conditions mais en profitent pour s'enrichir. Le naufrage est d'abord le leur pour avoir revendiqué un modèle économique qui rime avec le désengagement et le délitement de l'Etat, la ruine des paysans, la clochardisation des troupes et le chômage endémique. S'ils n'avaient pas les moyens d'appréhender les ravages du système dans les années 80, nos dirigeants politiques ne peuvent plus l'ignorer au regard de l'impasse dans laquelle ce système a conduit la Grèce, l'Espagne, le Portugal, Chypre et… la France, leur mode de référence.

4. DE L'OSTRACISATION A LA CRIMINALISATION C'est le 12 avril au moment de me rendre à Berlin à l'invitation de la gauche allemande (Die Linke) et à Paris à celle du Nouveau Parti Anticapitaliste (NPA) que j'ai appris que j'étais devenue persona non grata en Europe à la demande de la France. Il en est de même pour Oumar Mariko, le Secrétaire général du parti SADI (Solidarité Africaine pour la Démocratie et l'Indépendance). L'ambassade d'Allemagne m'a donné un visa qui m'a permis de me rendre à Berlin en passant par Istanbul (Turquie) au lieu d'Amsterdam (Pays-Bas) comme initialement prévu. Quant à l'étape de Paris, elle a tout simplement été annulée. J'ai pris connaissance de mon statut de persona non grata par le message suivant qui m'a été adressé par la Fondation Rosa Luxembourg "L'ambassade d'Allemagne à Bamako nous a informé ce matin que la condition indispensable pour votre visa pour l'Allemagne est que vous ne voyagez pas via un pays de Schengen. C'est pourquoi nous avons acheté un nouveau ticket (des vols via Istanbul/Turquie) que vous trouvez ci-joint. Je suis désolé que de ce fait vous n'avez pas la chance de rester trois jours à Paris. Mais l'ambassade d'Allemagne nous a informé que la France a empêché qu'on vous donne un visa pour tous les pays Schengen. On va venir vous chercher à l'aéroport à Berlin lundi." L'Association "Afrique Avenir" en co-organisatrice de l'une des conférences à Berlin a protesté et ses principaux partenaires ont réagi à leur tour. Je remercie tous ceux qui m'ont témoigné leur solidarité et rappelle ici le sens de mon combat, pour ceux qui considèrent que la France a le droit de porter atteinte à ma liberté de circulation en raison de mon désaccord avec Paris lorsqu'il ne pratique que la politique de ses intérêts. Qui peut me reprocher ce que les auteurs du rapport d'information du Sénat français disent si clairement en ces termes "La France ne peut se désintéresser de l'Afrique qui est, depuis des décennies, sa profondeur stratégique, qui sera demain, plus peuplée que l'Inde et la Chine (en 2050, l'Afrique aura 1,8 milliards d'habitants contre 250 millions en 1950), qui recèle la plupart des ressources naturelles, désormais raréfiées et qui connaît un décollage économique, certes, inégal, mais sans précédent, qui n'est plus, seulement, porté par l'envolée du cours des matières premières, mais aussi, par l'émergence d'une véritable classe moyenne". Si le constat sur les enjeux démographiques et économiques est fondé, le "décollage économique" auquel ce rapport fait allusion est incertain, source de conflits parce qu'inégalitaire, ne profitant d'abord qu'aux entreprises étrangères et à une partie de l'élite politique et économique. Les enjeux de l'intervention militaire en cours sont : économiques (l'uranium, donc le nucléaire et l'indépendance énergétique), sécuritaire (les menaces d'attentats terroristes contre les intérêts des multinationales notamment AREVA, les prises d'otages, le grand banditisme, notamment le narcotrafic et les ventes d'armes), géopolitique (notamment la concurrence chinoise) et migratoires. Quelle paix, quelle réconciliation et quelle reconstruction peut-on espérer lorsque ces enjeux sont soigneusement cachés au peuple ?

5. L'INSTRUMENTALISATION DES FEMMES L'interdiction de l'espace Schengen ne me vise pas en tant que femme mais elle démontre que celles qui refusent d'être instrumentalisées dans la défense des intérêts dominants peuvent être combattues. J'en fais la douloureuse expérience au niveau national depuis longtemps déjà, mais ne m'attendais à être ostracisée de la part du pays des droits de l'homme, précisément, au moment où mon pays est en guerre. Il viole ainsi la résolution 1325, relative à la participation des femmes à la prise de décision à tous les niveaux, à la prévention ou à la résolution des conflits ainsi qu'à la reconstruction. Dois-je rappeler que le 8 mars 2013, Journée Internationale des Femmes, le Président François Hollande répondait à son prédécesseur, Nicolas Sarkozy qui s'interrogeait sur la présence de l'armée française au Mali, qu'elle y est allée "parce qu'il y avait des femmes victimes de l'oppression et de la barbarie ! Des femmes à qui l'on imposait de porter le voile ! Des femmes qui n'osaient plus sortir de chez elles. Des femmes qui étaient battues !". A propos de voile, je suis l'une des rescapées maliennes et sahéliennes de l'analphabétisme qui tente de déchirer celui, pernicieux, de l'illettrisme économique qui maintient les Africains dans l'ignorance la plus totale des politiques néolibérales et fait d'eux du bétail électoral. Le Président Hollande se montrerait-il si intraitable quant à la date de l'élection présidentielle au Mali s'il avait devant lui un électorat malien qui place la souveraineté économique, monétaire, politique et militaire au cœur du débat politique ? A propos des femmes qui ‘' n'osaient plus sortir de chez elles'', je sortais jusqu'ici librement de mon pays et parcourais tout aussi librement l'Europe et le monde. Quelle que soit l'issue de la situation que je traverse en ce moment, elle ne peut qu'être dissuasive pour les autres Maliennes et Africaines qui ont envie de comprendre le monde global et de lutter pour ne pas le subir mais en être des citoyennes averties et actives.

6. AIDE AU DEVELOPPEMENT OU A LA MILITARISATION Au djihadisme armé il faut, semble-t-il, une solution armée. La voie est ainsi ouverte dans un pays comme le nôtre aux achats d'armement au lieu d'analyser et de soigner le radicalisme religieux qui prospère là où l'Etat, ajusté et privatisé, est nécessairement carencé ou tout simplement absent. Faire l'âne pour avoir du foin, est le comportement qui prévaut dans ce contexte de pauvreté généralisée tant au niveau des Etats que de certaines organisations non étatiques. Et la guerre -comble de l'horreur- est aussi une occasion d'injecter de l'argent frais dans notre économie exsangue. Déçue par les hésitations et les lenteurs de l'Europe dont la solidarité s'est traduite jusqu'ici par la formation de l'armée malienne et de certains soutiens bilatéraux, la France invite au partage de l'effort financier entre Européens dans la défense de leurs intérêts stratégiques en Afrique de l'Ouest. D'autres bailleurs de fonds y seront associés. Le 15 mai 2013 à Bruxelles, les bailleurs de fonds examineront le plan d'actions prioritaires d'urgence (pour 2013 et 2014). Les ressources qui seront mobilisées (ou annoncées) profiteront-elles au peuple malien, qui ne sait plus où donner de la tête ou irrigueront-elles les mêmes circuits économiques selon les mêmes pratiques qui ont aggravé la pauvreté et les inégalités? Dans le cadre de la reprise de la Coopération, le ministre français délégué auprès du ministre des Affaires étrangères, chargé du Développement annonce 240 millions d'euros destinés à financer l'agriculture, les services de bases dont l'eau et l'électricité dans les régions du nord, le retour des populations. C'est le lieu de rappeler que Tripoli la capitale Libyenne a abrité, les 29 et 30 novembre 2010, le Troisième Sommet Afrique-UE où le Guide libyen, Mouammar Kadhafi, a accueilli, en grande pompe, les dirigeants de 80 pays africains et européens. La création d'emplois, les investissements et la croissance économique, la paix, la stabilité, les migrations et le changement climatique étaient à l'ordre du jour de ce sommet. Les participants s'étaient mis d'accord sur un "plan d'action" pour un Partenariat Afrique-UE de 2011 à 2013. L'UE a, à cette occasion, réaffirmé son engagement à consacrer 07% de son PNB à l'aide publique et au développement d'ici 2015 et d'affecter 50 milliards d'euros aux objectifs généraux du partenariat envisagé entre 2011 et 2013. Nous sommes en 2013 et fort loin des objectifs de développement du Millénaire et des voies et moyens de les atteindre en 2020. Car le ver dans le fruit. La paix, la réconciliation et la reconstruction du Mali, n'ont aucune chance d'aboutir si elles doivent reposer sur des arrangements politiciens en vue d'engranger l' "aide extérieure". L'Etat, ou ce qui en reste ainsi que les rebelles se battent et négocient dans le cadre du même paradigme qui a aggravé le chômage, la pauvreté et les tensions. Les différends se règlent en termes d'investissement, dans les infrastructures, le lieu par excellence de l'enrichissement rapide et de la corruption. La liste des travaux d'infrastructures mal exécutés ou non réalisés est longue. Elle explique en partie le mécontentement des populations du septentrion qui souffrent pendant que des maisons individuelles poussent au su et au vu de tout le monde grâce aux détournements de fonds et l'argent du narcotrafic.

7. OSONS UNE AUTRE ECONOMIE Rien ne sera plus comme avant. Ce qui était difficile risque de l'être davantage avec la militarisation qui absorbera des ressources dont nous avons cruellement besoin pour l'agriculture, l'eau, la santé, le logement, l'environnement et l'emploi. Opération Serval, Mission Internationale de Soutien au Mali (MISMA), Mission Intégrée de Stabilisation Multidimensionnelle des Nations-Unies, la défense de notre pays et notre sécurité, avant d'être militaire, est d'abord un défi intellectuel, moral et politique. Je me suis reconnue dans les propos du candidat François Hollande lorsqu'il déclara qu' "il est temps de choisir une autre voie. Il est temps de choisir une autre politique". Ce temps est, assurément, venu et pour la France et pour ses anciennes colonies d'Afrique. Il est celui des transitions économiques, sociales, politiques, écologiques et civilisationnelles qui n'ont rien à voir avec la feuille de route de la "communauté internationale". Elles renvoient à un changement de paradigme. Que les dirigeants africains qui ont intériorisé le discours mensonger sur l'inéluctabilité de cette guerre afin d'en finir le péril djihadiste ne s'y trompent pas : l'effet de contagion qu'ils redoutent, tient moins à la mobilité des djihadistes qu'à la similitude des réalités économiques, sociales et politiques induites par le modèle néolibéral. Si les chefs djihadistes viennent d'ailleurs, la majorité des combattants sont des jeunes maliens sans emplois, sans interlocuteurs, sans perspectives d'avenir. Les narcotrafiquants puisent, eux-aussi, convoyeurs et revendeurs de drogue parmi la même jeunesse désemparée. La misère morale et matérielle des jeunes diplômés, des paysans, des éleveurs et d'autres groupes vulnérables constitue le véritable ferment des révoltes et des rebellions qui, mal interprétées, alimentent, de l'intérieur bien des réseaux. La lutte contre le terrorisme et le crime organisé, sans effusion de sang, au Mali et en Afrique de l'Ouest passe par l'analyse honnête et rigoureuse du bilan des trois dernières décennies de libéralisme sauvage, de destruction du tissu économique et social ainsi que des écosystèmes. Rien n'empêche les centaines de milliers de jeunes Maliens, Nigériens, Tchadiens, Sénégalais, Mauritaniens et autres, qui viennent chaque année grossir le nombre des demandeurs d'emploi et de visas, de rejoindre le rang des djihadistes si les Etats et leurs partenaires techniques et financiers ne sont pas capables de remettre le modèle néolibéral en question.

8. L'INDISPENSABLE CONVERGENCE DES LUTTES Je plaide pour un élan de solidarité qui prenne le contre-pied de la militarisation, nous restitue notre dignité, préserve la vie et les écosystèmes. Tout irait dans le bon sens si les 15.000 soldats étaient des enseignants, des médecins, des ingénieurs et si les milliards d'euros, qui vont être dépensés, étaient destinés à ceux et celles qui ont le plus besoin. Nos enfants n'auraient pas besoin d'aller se faire tuer en soldats mal payés, en narcotrafiquants ou en fous de Dieu. Nous nous devons de nous atteler, nous-mêmes à la tâche primordiale de la transformation de notre moi profond, ébranlé et de notre pays meurtri. L'avantage considérable de l'approche systémique est la détribalisation des conflits au profit d'une conscience politique qui réconcilie et rassemble ceux que l'économie mondialisée broie. Touareg, Peulh, Arabes, Bamanan, Sonrhaï, Bellah, Sénoufos cesseraient de s'en prendre les uns aux autres et se battraient ensemble et autrement. Cette approche altermondialiste nous rend notre "dignité" dans un contexte où nous avons tendance à culpabiliser et à nous en remettre, poings et pieds liés, à une "communauté internationale" juge et partie. Elle plaide pour la convergence des luttes à l'intérieur des frontières entre les différentes composantes de la société éprouvées par la barbarie du système capitaliste qui ne veulent ni se résigner ni se soumettre. Elles doivent explorer ensemble des alternatives à la guerre. Les Etats libéraux ayant privilégié la guerre et investi dans les armes de destruction des vies humaines, du lien social et des écosystèmes, innovons à travers la bataille des idées et convoquons une conférence citoyenne au sommet pour l'autre développement du Mali, en vue de desserrer l'étau de la mondialisation capitaliste. Il s'agit d'instaurer le débat sur la relation entre politiques néolibérales et chaque aspect de la crise : chômage endémique des jeunes, rébellions, mutineries, coups d'Etat, violences faites aux femmes, radicalisme religieux. Un travail inédit et intense d'information et d'éducation citoyenne dans les langues nationales, permettra aux Maliens de parler enfin entre eux de leur pays et de leur avenir. Parce que tous les Hommes naissent libres et égaux en droits, nous revendiquons juste notre droit à :

  • un autre économie, de manière à disposer des richesses de notre pays, et à choisir librement des politiques qui nous mettent à l'abri du chômage, de la pauvreté, de l'errance et de la guerre ;
  • un système politique véritablement démocratique, parce que intelligible pour l'ensemble des Maliens, décliné et débattu dans les langues nationales, fondé sur des valeurs de culture et de société largement partagées ;
  • la liberté d'expression et de circulation.


9. RENDEZ-NOUS LES CLES DE NOTRE PAYS ! La France officielle qui déclare urbi et orbi que nous n'avons "pas d'Etat digne de ce nom", ni "d'armée digne de ce nom", considère certainement que nous n'avons pas non plus d'existence en tant que peuple pour aller jusqu'à se demander "à qui remettre les clés" et à exiger l'organisation de nos élections en juillet 2013. Elle s'accommode par ailleurs de l'annulation de la concertation nationale - qui devait nous permettre de prendre ensemble entre Maliens le pouls de notre pays. Elle s'accommode tout autant de l'état d'urgence instauré, puis prolongé une première fois, et une seconde fois de manière à "sécuriser" la transition. Je n'ai pas le sentiment que la "guerre contre le terrorisme" ait apporté la paix en Irak, en Afghanistan et en Libye, et que les casques bleus ont su garantir aux populations de la République Démocratique du Congo et en Haïti la sécurité que celles-ci étaient en droit d'attendre d'eux. Mais je suis persuadée qu'il y a en chaque Malienne et chaque Malien un(e) soldat(e), un(e) patriote qui doit pouvoir participer à la défense de ses intérêts et du Mali à partir d'une bonne connaissance de son état réel dans l'économie mondialisée. La réponse à l'insupportable question de Claude Lellouche est claire : le Mali est à rendre aux Maliens. Nous pouvons-en prendre le plus grand soin parce que, comme Bouna Boukary Dioura l'a rappelé, nous savons, nous les peuples du Sahel que les rochers finissent par fleurir à force d'amour et de persévérance. Rendez les clés du Mali au peuple malien !

Aminata D. Traoré, Bamako le 03 mai 2013
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(1) Wolfgang Sachs et Gustavo Esteva : Des ruines du développement. Les Editions Ecosociété 1996.

mercredi 10 avril 2013

Corruption et éthique publique : ne plus faire semblant !

Il aura donc fallu qu’un ministre de la République, chargé entre autres de lutter contre la fraude fiscale, reconnaisse détenir un compte non déclaré à l’étranger depuis de nombreuses années pour que le pouvoir exécutif s’engage sur une réforme d’ampleur sur la « moralisation de la vie publique » et sur la lutte « contre la fraude fiscale et les paradis fiscaux »… Il était temps !

Depuis de nombreuses années, des associations de la société civile, des professionnels de la justice, des universitaires dénoncent les insuffisances criantes de la législation française en matière d’intégrité de la vie politique et de lutte contre la délinquance financière, et alertent sur les dommages importants résultant de ces lacunes : délitement de la démocratie - minée par les conflits d’intérêts, les fraudes fiscales, la corruption, … -, perte de confiance des citoyens dans les institutions et les responsables politiques et aggravation de la crise économique.

Les gouvernements successifs sont malheureusement restés sourds… Appel de Genève en 1996, rapport parlementaire de 2002 sur les paradis fiscaux, appel « 2005 : plus d’excuses ! » de la plateforme « paradis fiscaux et judiciaires », rapport Sauvé sur les conflits d’intérêts en 2011, appel « Agir contre la corruption » en juin 2012, appel de Transparency International France pour « faire de la lutte contre la corruption et de l’éthique publique une grande cause nationale », rien n’y fit, ou si peu…

Le Président la République avait pourtant indiqué pendant sa campagne qu’il ferait de la lutte contre la corruption et de la moralisation de la vie publique une de ses priorités.

On nous annonce cette fois « un texte assez fort » qui devrait être présenté en Conseil des ministres le 24 avril. Le crédit de la classe politique impose d’en finir avec les fausses promesses, les faux-semblants et de mettre en oeuvre une politique permettant réellement de garantir la transparence et la probité de la vie publique, et de combattre efficacement la délinquance économique.

Pour cela, les réformes à venir devront a minima :

  • Renforcer l’intégrité de la vie politique en : 
    • Mettant en oeuvre des règles propres à prévenir les conflits d’intérêts : obligation de publier une déclaration d’intérêts précise pour les élus, les ministres et les plus hautes fonctions publiques, obligation de s’abstenir de participer à une décision publique en cas d’intérêt personnel et en renforçant le régime des incompatibilités pour les membres du gouvernement et du parlement ;
    • Interdisant le cumul des mandats dans la vie publique et en limitant leur renouvellement ;
    • Posant pour les candidats aux élections politiques les mêmes exigences de probité que pour les candidats à une fonction publique, s’agissant notamment de l’absence d’antécédents judiciaires ;
    • Confiant à des autorités indépendantes le contrôle des marchés publics, l’encadrement des activités de lobbying, la protection des lanceurs d’alerte, y compris en ce qui concerne le secteur public ; 
    • Donnant aux organismes de prévention de la corruption et de contrôle du patrimoine des élus, qui ne sont pour certaines que des coquilles vides, de véritables moyens et des pouvoirs accrus ;
    • Garantissant la transparence et l’indépendance de l’expertise, notamment par la publication des liens financiers entre industriels, experts, agences publiques et associations ;
    • Instaurant un véritable contrôle des comptes des deux assemblées par la Cour des comptes et en rendant transparente l’usage de la réserve parlementaire.
  • Renforcer la lutte contre la délinquance financière en : 
    • Donnant aux procureurs de la République l’indépendance nécessaire pour une application de la loi égale pour tous : leur nomination devra être confiée au Conseil supérieur de la magistrature et non plus au pouvoir exécutif et ils devront pouvoir exercer pleinement leur mission de poursuite, grâce à des officiers de police judiciaire qui leur seront rattachés, notamment en matière de fraude fiscale, domaine où leur action reste pour l’instant subordonnée à l’aval du ministre du budget ;
    • Mettant fin au monopole du parquet pour la poursuite de faits de corruption commis à l’étranger ;
    • Prévoyant l’obligation de poursuivre les infractions à la probité ;
    • Permettant l’exercice des droits reconnus à la partie civile aux associations dont l’objet statutaire est la lutte contre les atteintes à la probité publique ;
    • Donnant à une autorité judiciaire, et non plus au ministre, la compétence pour apprécier le caractère "secret défense" d’une information ;
    • Incriminant le trafic d’influence en direction des agents publics étrangers ;
    • Prévoyant des sanctions financières dissuasives pour les personnes morales condamnées ;
    • Améliorant la coopération judiciaire européenne – notamment par la création d’un véritable parquet européen – et internationale pour lutter contre la délinquance financière transnationale, notamment la fraude fiscale ;
    • Établissant l’obligation, pour toutes les entreprises transnationales, de publier dans leurs rapports financiers les informations concernant leurs filiales à l’étranger ;
    • Développant la lutte contre la fraude fiscale par l’échange automatique d’informations entre les établissements bancaires et les administrations fiscales et les autorités judiciaires des Etats de l’Union Européenne ;
    • Améliorant la coopération judiciaire européenne – notamment par la création d’un véritable parquet européen – et internationale pour lutter contre la délinquance financière transnationale, notamment la fraude fiscale ;
    • Agir sur le plan européen afin que soient prévues des sanctions à l’égard des paradis fiscaux et des territoires non coopératifs.

À défaut, les réformes annoncées ne seraient qu’une opération supplémentaire de communication.

Contacts presse :

  • Anticor (http://anticor.org/) : Eric Alt (06 87 76 71 02) ou Jean-Luc Trotignon (06 09 94 43 22)
  • Sherpa : William Bourdon (01 42 60 32 60)
  • Survie : Danyel Dubreuil (01 44 61 03 25)
  • Syndicat de la magistrature : Sophie Combes (01 48 05 47 88 ou 06 86 47 49 80)
  • Transparency International France : Myriam Savy (01 84 16 95 65) – Appel grande cause nationale : http://www.chaquesignaturecompte.com