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lundi 24 décembre 2012

Acharnement politico-judiciaire contre Marc ONA ESSANGUI dans sa lutte contre l’accaparement des terres par le groupe Olam au Gabon

Survie a décidé de signer ce communiqué collectif de soutien [1] à Marc Ona Essangui, figure emblématique de la société civile gabonaise et de la contestation de la politique criminelle du régime d’Ali Bongo. On peut légitimement craindre, au regard du motif et du calendrier, que ces poursuites soient un prétexte de cette dictature françafricaine pour intensifier la répression.

Depuis de nombreuses années, la Société Civile gabonaise, notamment Brainforest dont Marc Ona Essangui est responsable n’a jamais cessé de se battre aux côtés des populations pour la défense de leurs droits, la protection de l’environnement et la transparence dans la gestion du pays.

En effet, alors que de nombreuses familles gabonaises n’ont toujours pas digéré la destruction non concertée de centaines d’habitations à Libreville en 2010 sans indemnisation ni relogement, le gouvernement gabonais décide de concéder près de 300 000 hectares de terre à la compagnie Singapourienne Olam pour la production d’huile de palme et la réalisation de plantations d’hévéa cultures sans consulter au préalable les populations locales et avec une étude d’impacts biaisée, selon la société civile locale.
Une contre étude réalisée par les experts de la société civile gabonaise montre les dégâts environnementaux, sociaux et économiques du projet.

Une pétition ayant obtenue des milliers de signatures des communautés locales s’opposant au projet a eu le soutien d’une cinquantaine d’organisations internationales qui reconnaissaient par là le bien-fondé de cette lutte menée de front par Marc ONA ESSANGUI [2].
Malheureusement, toutes ces réactions n’ont pas suffi pour décourager le groupe Olam et le gouvernement gabonais qui se sont lancés dans des campagnes de séduction dans les médias et auprès des populations.
Pourtant une réunion extraordinaire présidée par le Premier Ministre du Gabon a réuni les différents protagonistes et décidé de surseoir le projet. Hélas, le président de la République et les membres de son cabinet qui sont les principaux promoteurs de cette structure asiatique ont rejeté cette décision consensuelle.

Contre toute attente et non satisfait de ne pouvoir réaliser les objectifs de leur propagande au profit d’un groupe dont la réputation reste peu recommandable [3] et au détriment de son Peuple privé de ses terres, le régime gabonais par le biais du chef de cabinet d’Ali Bongo, Liban Souleymane, décide de poursuivre Marc ONA ESSANGUI en justice aux motifs que ce dernier aurait cité son nom dans l’implication du dossier Olam.
Sachant que plusieurs appels à libération de dizaines de citoyens gabonais victimes de parodies judiciaires sont restés sans suite, que la santé du jeune Nicolas Ondo, leadeur du mouvement estudiantin est préoccupante depuis sa sortie de prison et que les différents rapports sur les droits de l’homme du pays sont accablants, nous redoutons avec inquiétude et gravité que cette procédure judiciaire initiée par Liban Souleymane contre ONA ESSANGUI n’apparaisse comme une volonté manifeste du gouvernement gabonais d’empêcher la mobilisation du Peuple Gabonais contre un projet jugé scandaleux.
Le fait qu’un journal proche du pouvoir ait rendu publique la convocation au tribunal de Libreville de Marc ONA ESSANGUI avant que ce dernier n’en soit en possession, l’acharnement violent de groupes proches du pouvoir contre Marc Ona [4] sont autant de signaux qui ne trompent point.

Ce procès prévu le 26 décembre, en pleine période de fêtes de fin d’année est un moyen de bâillonner le cri des populations mais surtout d’étouffer la contestation grandissante de ce projet d’Olam conduite par Marc Ona Essangui.

A la suite de la Convention de la Diaspora Gabonaise, nous confirmons notre soutien à Marc ONA ESSANGUI dans ses combats pour les droits des peuples et la gouvernance et nous invitons le gouvernement gabonais à plus de retenue et de respect de son Peuple.
Par ailleurs, nous invitons la communauté internationale à rester vigilante et à exiger du gouvernement gabonais le respect de ses engagements pour les droits de l’homme et de la bonne gouvernance.

[1] Co-signé par le mouvement Ça suffit comme ça !, EELV, le Parti de Gauche et Survie

[2] Lettre ouverte au gouvernement gabonais du 08/10/2012

[3] Cf le rapport rendu par la société « Muddy Waters Research » sur la société Olam

[4] http://blogs.mediapart.fr/blog/dite... et http://ditengou.com/?p=nws&id=2...


 Publié le 24 décembre 2012 sur : http://survie.org
 

samedi 15 décembre 2012

Assises du développement : une concertation en trompe-l’œil

Promues à grand renfort de communication, les Assises du développement lancées par Pascal Canfin le 5 novembre à Paris veulent faire croire à un changement de méthode dans le dialogue avec la société civile, cumulant au passage beaucoup d’écueils : objectifs flous, occultation de thèmes sensibles, organisation « descendante ». Sans oublier le rôle ambigu accordé aux ONG dans le processus.


 

La volonté affichée du gouvernement et de son ministre délégué au Développement de se concerter avec la société civile sur le thème ambigu du « développement », dans le cadre du processus des « Assises du développement » est défendue comme la concrétisation d’une promesse de campagne. Celle de renouer avec la démarche « participative » érigée en 1999 par le gouvernement Jospin, via la création d’un Haut Conseil de la Coopération internationale, instance très rapidement neutralisée dans ses critiques et disparue en 2008.
Six mois après l’élection de François Hollande, on peut aussi y voir un vaste attrape-nigaud, tant il ne fait aucun doute que les grandes lignes de la politique gouvernementale sont déjà bien définies et ancrées dans la continuité en matière monétaire, économique ou diplomatique, et les rares propositions réformatrices soigneusement balisées.

« Vous êtes le carburant de ces Assises », déclarait pourtant le ministre délégué aux participants des Assises dans son discours d’ouverture du 5 novembre, « [...] et sans carburant – c’est un écologiste qui vous le dit – [...] le moteur s’arrête ». En écho à la célèbre métaphore d’Omar Bongo sur la relation franco-africaine, la voiture sans chauffeur et sans carburant, on pourrait être déjà tenté d’extrapoler la philosophie de ces Assises : le gouvernement aux commandes, les ONG (remisées au rang de seul combustible) au charbon.

Au vu des premiers documents et compte-rendu produits, ces Assises ont tout l’air d’incarner un dialogue biaisé, destiné à faire converger un maximum d’acteurs vers une destination déjà tracée par la diplomatie française. Cette direction, c’est bien celle du développement économique de la France via la défense de ses intérêts à l’étranger, dans les pays émergents mais aussi encore et toujours en Afrique.
Cela implique la poursuite de la domination monétaire française dans la zone CFA, le maintien de relations privilégiées avec des États présentant des intérêts stratégiques pour l’ancienne métropole, quelle que soit la nature de leur régime et la promotion des intérêts des acteurs économiques et financiers tricolores (à l’image des largesses octroyées par les contrats C2D aux entreprises françaises, en Côte d’Ivoire notamment). Autant de sujets absents ou à peine évoqués dans le programme de ces Assises.

La relation avec l’Afrique occultée

Si la notion de « développement » promue par Pascal Canfin a clairement pour objectif d’enterrer la notion de « coopération » et d’inclure plus systématiquement des pays émergents, c’est bien l’Afrique, peu mentionnée dans le discours ministériel, qui concentre encore l’essentiel des flux d’APD et des interventions des ONG. Plus qu’une réforme sémantique, c’est bien une analyse critique des pratiques passées qu’a subies ce continent qu’il conviendrait donc aujourd’hui de mener avant de prétendre proposer une vision nouvelle du développement. On n’enterre pas la Françafrique en la cachant sous le tapis.
Pas un mot non plus sur la corruption, les Droits de l’homme, dans le discours, ce qui confirme bien combien l’action du secrétaire d’Etat a été circonscrite aux thèmes les moins sensibles politiquement et les plus adaptés à son curriculum vitae personnel (flux financier, développement durable, dialogue avec la société civile), Laurent Fabius se chargeant des affaires jugées « sérieuses ».
Dans une interview à France Inter, le dimanche 25, Pascal Canfin conservait la même prudence, alignant les phrases creuses sur l’Afrique, sa démographie, sa croissance, son insertion dans la mondialisation (sous- entendant l’intérêt économique que la France pouvait y trouver), n’évoquant que très brièvement la corruption, le rôle des entreprises françaises, et le contenu de l’enterrement de la Françafrique promis.

Lots de consolation

De ces interventions et du programme des Assises ne ressortent que des incantations sur le développement soutenable et une vision (supposée nouvelle) du développement à défendre après 2015 (date de bilan du processus de promotion des objectifs du Millénaire pour le développement). Plus quelques éléments de cadrage technique sur les thématiques développées au cours des Assises (efficacité de l’aide, financement du développement, relation de l’Etat avec les partenaires du développement, etc.).
La part belle est une nouvelle fois laissée aux flux financiers, au volume et à l’efficacité de l’aide accordée aux pays en développement en bilatéral, multilatéral, via des mécanismes supposés « innovants ». Et, pour point d’orgue, la carotte agitée depuis toujours par les politiciens qui souhaitent amadouer les ONG en période électorale ou juste après les élections.
La part de l’APD transitant par ces dernières, qui regrettent depuis fort longtemps que proportionnellement cette part soit en France la plus faible de tous les pays de l’OCDE. Une promesse de doublement de cette part, réaffirmée par Pascal Canfin dans son interview à France Inter suffirait-elle à faire crier victoire à ces ONG ?

Notons tout de même, parmi les avancées, la concrétisation annoncée de quelques promesses faites aux ONG en matière de taxation financière ou d’encadrement des paradis fiscaux (processus déjà largement entamé sous le gouvernement précédent), maigre concrétisation d’un plaidoyer intense et tenace. Enfin, l’annonce de la volonté de la France de renégocier les Accords de partenariat économiques (APE) imposés par l’Union européenne aux pays africains, la promesse de ne pas intervenir auprès de la Justice dans les affaires de « Biens mal acquis » et la volonté annoncée de ne plus amalgamer les dispositifs de financement du développement avec ceux de contrôle des migrations peuvent également être considérées comme des avancées positives.

Un processus descendant

Après le fond, la forme. Pas plus reluisante. Le mode d’organisation même de ces Assises prouve leur manque d’ambition. Le processus de « concertation » a été lancé au mois d’octobre, dans le cafouillage le plus complet. Convoquées une semaine avant la date de la première réunion préparatoire, tenue le 23 octobre, les associations, ONG et autres structures « pressenties » et donc « présélectionnées » pour participer au processus n’ont pu que constater la logique prévalant dans cette organisation : calendrier imposé, format des premières rencontres pré-établi jusqu’au minutage des interventions. Plus grave, les cinq thématiques retenues, floues dans leur intitulé, non problématisées, ont été tout bonnement livrées clé en main aux futurs participants, avec peu de possibilités d’en ajouter de nouvelles.
Parmi les autres faiblesses relevées, l’absence de représentants des pays du Sud, hormis ceux choisis par les organisateurs, la mise en place de collèges de représentants avec des quotas, sans oublier la difficulté à savoir qui avait invité ou devait inviter qui, et au final, qui pourrait être représenté. De l’aveu de certains participants, le niveau des interventions au cours de la première session des Assises, le 5 novembre, était, au final, consternant.

Continuité dans la forme

Fallait-il s’attendre à autre chose ? Non, certainement, si l’on se fie à la nature du dialogue mené depuis quelques années par l’actuelle majorité présidentielle à l’égard des ONG françaises. En effet, si les campagnes électorales de 2007 et 2012 ont bien produit leur lot de rencontres de concertation entre le PS et la société civile, ces concertations ont rarement été à la hauteur des enjeux, faute d’un réel intérêt des candidats socialistes des deux dernières élections envers les problématiques de coopération internationale.
Hormis quelques échanges suivis d’engagements dénués de tout contenu précis sur la « Françafrique », la corruption ou les Droits de l’homme, les discussions avec les candidats eux-mêmes ont été réduites à leur plus simple expression, trop souvent tournées sur des revendications d’ordre corporatiste comme l’augmentation de l’APD et de sa part consacrée aux ONG.
En atteste la rencontre du 12 mars dernier au siège de campagne du candidat Hollande. Orchestrée par Coordination Sud, la campagne Action mondiale contre la pauvreté et le staff du candidat, la rencontre avait rassemblé un cortège hétéroclite d’ONG, fondations, per­sonnes, ressources et autres erreurs de casting (dont Pierre Bergé, grand argentier de la lutte contre le Sida... et du PS). Une rencontre fourre-tout, brassant un nombre considérable de thématiques, où le candidat et son équipe ont alors pu enfiler les perles et les demi-promesses sans mécontenter grand monde, à part Survie (qui n’a obtenu aucune réponse satisfaisante à son interpellation sur les relations franco-africaines), à défaut de satisfaire qui que ce soit.
Cette formule de rencontre ayant prouvé son inefficacité, elle a été reconduite à la veille du départ de François Hollande à Kinshasa, en octobre dernier. Invitée à la dernière minute à une « réunion de préparation du déplacement présidentiel » rassemblant pêle-mêle des ONG peu concernées par les enjeux réels de ce déplacement, Survie a refusé de participer à cette rencontre.

Les ONG, dupes ou complices ?

Ces insuffisances interrogent la nature même du dialogue existant entre les ONG françaises et le gouvernement et posent la question du risque d’instru­men­talisation des premières par le second, dans un contexte de fragilité économique, de recherche de visibilité qui font de la légitimité auprès des pouvoirs publics un enjeu en soi.

Comment expliquer, par exemple, l’absence quasi-totale de mobilisation des ONG françaises lors de la nomination du françafricain Dov Zerah à la tête de l’AFD en 2009 ou l’absence de propositions de réforme du rôle et du statut de cette Agence lors de la dernière campagne présidentielle ?
Indifférence ou crainte de voir la source de financement se tarir ?
Et plus récemment, comment, sans faire de procès d’intention, comprendre la présence aux côtés de François Hollande en octobre à Kinshasa de Jean-Louis Vielajus, le président de Coordination Sud (la principale plateforme d’ONG de développement et d’urgence) ?
Cette présence ne risque-t-elle pas d’avoir pour principale fonction de permettre à la communication élyséenne d’insister sur le changement de style avec les président précédents (qui, eux, voyageaient avec des entrepreneurs), comme le soulignait La Lettre du Continent (n°645) ?

Les ONG anglo-saxonnes, de plus en plus présentes en France, ont poussé assez haut le curseur en matière de lobbying, de plaidoyer, de course à l’image. A telle enseigne que des fondations sans base sociale hormis celle du mécénat telles que One ou la Fondation Bill Gates sont désormais des interlocuteurs réguliers des dirigeants français. Elles ont leurs entrées à l’Elysée ou au Quai d’Orsay ou dans les instances de négociations internationales (G8-G20).

Critiques émoussées

Ces ONG ont introduit la culture de la stratégie des petits pas et du plus petit dénominateur commun. De plus en plus, les communiqués « se félicitent de » la moindre petite avancée, qui n’« exigent » plus, ne s’indignent plus, se contentant de dire que le gouvernement « devrait » (traduction du « should » anglais) faire ceci ou cela.
De plus en plus concurrencées et dépendantes des financements publics, les ONG françaises tombent souvent dans la facilité du plaidoyer à tout prix. Elles multiplient les contacts avec les décideurs et cela leur confère un rang, une reconnaissance, attestant auprès des donateurs du sérieux des démarches accomplies.

L’aseptisation du ton, l’annihilation de la capacité de révolte sont des risques palpables quand, tout autant que la dépendance financière vis-à-vis des institutions et la quête du Graal du doublement de l’APD, les proximités partisanes constatées entre certains diri­geants et les responsables du PS, émoussent parfois les critiques. Sans aller jusqu’à parler de connivence, il est indéniable que l’élection d’une majorité socialiste et écologiste a multiplié les passerelles entre le monde des ONG et celui des pouvoirs publics, ce qui n’est pas condamnable a priori, pourvu que chacun sache rester à sa place et conserver son indépendance.

Ces constats ne sont pas nouveaux et chaque démarche de concertation ou de médiation avec la société civile initiée par les pouvoirs publics engendre son lot de réticences et de méfiance face à une possible instrumentalisation. Le Grenelle de l’environnement a eu un effet dévastateur à cet égard et le « Grand débat sur l’énergie » organisé au mois de novembre 2012 par le ministère de l’Environnement a suscité des prises de position hostiles (celle de Greenpeace en particulier).

Au terme de cette analyse, il apparaît que la seule vertu de ces Assises est peut-être de proposer la possibilité d’un cadre de confrontation entre institutions et acteurs issus de la société civile, donnant l’occasion aux seconds de réinvestir le champ revendicatif et de réfléchir à leur positionnement vis à vis des pouvoirs publics.
A défaut de donner une place claire à la société civile dans un processus toujours attendu de redéfinition de la politique de coopération de la France.


Fabrice Tarrit, 11 décembre 2012
 Article paru sur survie.org

 

mardi 11 décembre 2012

La justice française ordonne au préfet d'accorder un titre de séjour à Agathe Habyarimana

Agathe Habyarimana, la femme du président rwandais assassiné le 6 avril 1994, Juvénal Habyarimana, lors d'une visite à l'Elysée, le 14 avril 1977.


A lire sur lemonde.fr


La justice française a "enjoint" à la fin de novembre au préfet de l'Essonne de délivrer un titre de séjour à Agathe Habyarimana, veuve de l'ancien président rwandais Juvénal Habyarimana, a-t-on appris, jeudi 6 décembre, auprès de son avocat. Mme Habyarimana, 70 ans, est soupçonnée d'être impliquée dans le génocide de 1994.

"On a bien senti qu'il y avait des contingences politiques dans ce dossier", a indiqué Me Philippe Meilhac, précisant que la demande avait été présentée "au moment où la France et le Rwanda renouaient leurs relations diplomatiques". La requête de Mme Habyarimana, "est l'archétype d'une demande de séjour pour vie privée et familiale", a estimé Me Philippe Meilhac, car "elle n'a plus d'attache dans son pays et toute sa famille est en France".
Mme Habyarimana est souvent présentée comme l'une des dirigeants de l'"akazu", le premier cercle du pouvoir hutu qui, selon ses accusateurs, a planifié et mis en œuvre le génocide déclenché par l'attentat du 6 avril 1994 contre l'avion transportant son époux. Selon l'ONU, environ huit cent mille Tutsis et Hutus ont été tués au cours de ce génocide. Une enquête est ouverte à Paris depuis 2008 pour "complicité de génocide", à la suite d'une plainte d'une association française, le Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR).

LA PRÉFECTURE AVAIT INVOQUÉ UNE "MENACE À L'ODRE PUBLIC"

La préfecture de l'Essonne avait rejeté en mai 2011 la demande de titre de séjour de la veuve de l'ex-président rwandais, invoquant notamment la "menace à l'ordre public" que constituerait Agathe Habyarimana. A cette époque, elle faisait l'objet d'un mandat d'arrêt international émis en octobre 2009 par les autorités rwandaises pour génocide et crimes contre l'humanité. Selon son avocat, la demande d'extradition formulée par Kigali a depuis été rejetée.
Mais ce refus de lui attribuer un titre de séjour avait été annulé par le tribunal administratif de Versailles en octobre 2011. Saisie par la préfecture, la cour administrative d'appel a confirmé à la fin de novembre le premier jugement et a "enjoint" au préfet de l'Essonne de délivrer à Mme Habyarimana un titre de séjour dans le délai d'un mois.

mercredi 5 décembre 2012

Hollande fait la paix avec Déby et prépare la guerre

Nous publions ici le communiqué de SURVIE relatif à la réception totalement passée sous silence du dictateur tchadien Idriss Déby à l’Elysée par François Hollande ce mercredi 05 décembre.

Vous pouvez retrouver ce communiqué en suivant le lien :
http://survie.org/francafrique/tchad/article/hollande-fait-la-paix-avec-deby-et


Après quelques hésitations, le dictateur tchadien Idriss Déby sera reçu à l’Elysée par François Hollande mercredi.
Cette rencontre plusieurs fois reportée, aura lieu sur fond de négociation sur une intervention militaire au Mali appuyée par la France, qui souhaite mobiliser les troupes claniques de l’armée tchadienne.

L’accueil annoncé à l’Elysée du dictateur tchadien Idriss Déby le 5 décembre conclut un vrai-faux suspense qui a duré plusieurs semaines. Les reports de ce rendez-vous sont probablement le signe de houleuses tractations dans lesquelles les questions liées aux violations des droits humains au Tchad n’auront au final pas pesé lourd face à la volonté de la France d’obtenir le soutien de N’djamena dans le dossier malien. En effet, pour des raisons géostratégiques décidées en dehors de la volonté souveraine du Mali, la France fait depuis plusieurs mois pression sur le président tchadien pour obtenir la participation de ses troupes et de ses moyens militaires dans l’ « opération africaine » qu’elle promeut.
Une participation évidemment compromise si Hollande n’accepte pas de donner un minimum de caution diplomatique à Déby en le recevant à l’Elysée.

Le cas tchadien illustre cette incapacité de l’exécutif français à définir une ligne diplomatique claire et assumée concernant ses relations avec les dictateurs africains. A quoi bon en effet tenir un discours sur les droits humains sur les terres d’un dictateur à Kinshasa en octobre et se pincer le nez face à lui, si c’était pour rencontrer discrètement dans la même journée les despotes congolais et camerounais Denis Sassou Nguesso et Paul Biya ou si c’est pour recevoir à l’Elysée le dictateur tchadien Idriss Déby quelques semaines plus tard ?

Rappelons qu’Idriss Déby, souhaitant faire jouer au maximum son potentiel de négociation, avait pris soin de décliner l’invitation à Kinshasa, sans doute d’en l’attente d’être « mieux traité » à Paris. C’était prendre peu de risques. Les visites ministérielles au Tchad en juillet dernier de Laurent Fabius et Pascal Canfin avaient en effet laissé envisager, sur fond de crise au Mali, une continuité dans la politique française de soutien « pragmatique » au dictateur, le chef de la diplomatie française y faisant étalage des « relations d’amitié qui demeurent » .

En fait d’amitié, c’est l’armée tchadienne qui est soutenue sans discontinuer par le dispositif militaire français Epervier, lancé en 1986 par le gouvernement Fabius – ce dispositif est constitué d’un millier d’hommes, d’une force d’aviation et de renseignement sophistiqué, renforcé ces dernières semaines. L’armée tchadienne, en phase avec la volonté farouche d’Idriss Deby de se maintenir au pouvoir, est une des plus puissantes de la région. Habituée à des opérations dans des zones désertiques, elle compterait « 30.000 hommes équipés d’armes modernes et de moyens aériens » [1] .
Dans un pays classé parmi les plus pauvres de la planète, l’armée plétorique de ce pouvoir couvé par les bons soins de la France aurait davantage de quoi inquiéter que de réjouir quiconque.

En effet, Idriss Déby est responsable d’une partie des massacres et atrocités commises sous le régime d’Hissène Habré, dont il fut le chef d’État major, avant de le renverser en 1990 avec l’appui de la France. A la tête de l’État, il n’hésita pas à ordonner de nouveaux massacres et des exactions insoutenables [2] , et s’est maintenu au pouvoir par les armes, toujours soutenu par la France. 

Un soutien tricolore multiforme : économique, via les largesses en aide publique ; diplomatique, par la validation d’élections truquées (quand la France n’a pas elle-même contribué à organiser la fraude comme lors de la présidentielle de 2001) ; militaire enfin, l’armée française repoussant les rébellions de 2006 ou 2008 et continuant à fournir en armes un régime qui a renoncé à investir dans les secteurs sociaux de base et n’hésite pas, comme le dénonce Amnesty International, à recruter des enfants soldats.

Aujourd’hui, alors que les Tchadiens réclament la démocratie, la fin de la répression contre les opposants, victimes d’arrestations arbitraires, la vérité dans les multiples affaires criminelles impliquant le régime tchadien (dont la disparition de l’opposant Ibni Oumar Mahamet Saleh en février 2008), et surtout des politiques publiques au service des populations, la France accepte de redonner une caution d’honorabilité à Idriss Déby.
Avec pour seul espoir que les soldats tchadiens, supposés spécialistes du Sahel (du moins quand la France les appuie), sinistrement réputés pour leur clanisme, leurs exactions et leurs multiples retournement d’alliances dans les différents conflits internes, ne constituent un soutien utile sur le terrain malien.

Naïvement ou à dessein, le Président de la république française s’engouffre dans une realpolitik promue avec son Ministre des Affaires Etrangères Laurent Fabius et opte délibérément, sous des prétextes fallacieux, pour une politique criminelle de réhabilitation d’un des pires despotes du continent.
Un manque de lucidité particulièrement étonnant tant les exactions du régime Déby sont connues et documentées, y compris par des conseillers du président de la République, telle l’ancienne députée Marie-Hélène Aubert [3] qui de part ses travaux passés est bien informée de la nature du régime d’Idriss Déby .

Une diplomatie française qui s’évertue à voir Idriss Déby comme une solution plutôt que comme un problème n’est décidément pas prête à rompre avec la Françafrique.



[1] « On y trouve aussi huit hélicoptères de combat, Mi-17 et Mi-8 ainsi que deux avions de chasse Sukhoï et des avions de reconnaissance aérienne » selon RFI ( jeudi 15 novembre 2012, Nord du Mali : option militaire et dialogue politique menés de front).

[2] Cf. Annexe 1 - Exemples d’exactions commises par Idriss Déby

[3] Auteur d’un rapport parlementaire en 1999 sur les entreprises pétrolières qui avait consacré plusieurs pages au cas tchadien. Voir http://www.assemblee-nationale.fr/l... Mme Aubert avait par ailleurs témoigné en faveur du Président de Survie François-Xavier Verschave lors d’un procès intenté en 2001 par trois chefs d’Etat africains dont Idriss Déby, où elle avait décrit les exactions commises par Idriss Déby et son armée sur les populations civiles (cf. Annexe 1).


Contact Presse : danyel.dubreuil@survie.org 01.44.61.03.25

lundi 26 novembre 2012

L'édito de Billets d'Afrique et d'Ailleurs (Novembre 2012)

Retrouvez ici chaque mois l'édito du mensuel publié par SURVIE :
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Paris célèbre le franc des colonies françaises d’Afrique

Le titre du colloque qui s’est tenu le 5 octobre à Bercy sous l’égide du Trésor et de la Banque de France, « Regards croisés sur quarante ans de zone franc » est trompeur. En réalité, c’est en 1945 que le franc CFA, franc des colonies françaises d’Afrique, a été créé. Ces pays gardent cette monnaie après les pseudo-indépendances octroyées par la France, mais la prédation ne pouvant avancer que masquée, CFA signifie désormais quelque chose comme « communauté financière africaine ».
Entre la France et les États africains de la zone franc sont formalisés, en novembre 1972 pour les États membres de la Banque des États d’Afrique centrale et en décembre 1973 pour les États membres de la Banque centrale d’Afrique de l’Ouest, des accords de coopération monétaire qui « marquent le départ de l’habillage juridique d’une pratique de rente propre à la colonisation » selon le statisticien camerounais Dieudonné Essomba.
Ces accords donnent à la France le contrôle de l’économie de ces pays. Ils établissent une parité fixe entre le franc CFA et le franc français, puis l’euro à compter de 1999. Le véritable institut d’émission du franc CFA est la Banque de France : ni la BCAO de Dakar, ni la BEAC, de Yaoundé ne décident de la masse monétaire qui circule dans leurs États :
« Le franc CFA n’est la créature d’aucun État africain ; il est la créature de l’État français, il n’est donc que le franc français lui- même »
Citation tirée, comme les suivantes, de Monnaie, servitude et liberté. La répression monétaire de l’Afrique (1980), de Joseph Tchoundjang Pouemi (1937-1984)
Enfin ces États doivent déposer leurs réserves de change auprès du Trésor français, c’est-à-dire « payer le Trésor français pour garder leurs devises ». Surtout le CFA a permis à la France d’acquérir les matières premières de son empire colonial avec sa propre monnaie. La garantie illimitée que la France devait en contrepartie apporter au CFA s’est révélée une « absurdité logique » au mieux, un mensonge dans le pire des cas. La prétendue parité fixe n’empêcha pas la France d’imposer, en janvier 1994, une dévaluation de 50% du CFA qui eut des effets dévastateurs pour les ménages africains. Elle a ainsi divisé par deux sa facture énergétique africaine, en plein envol du prix du pétrole, tandis qu’elle multipliait par deux, dans les pays de la zone franc, le prix des équipements dont ils manquent cruellement.

Rien d’étonnant que cinq des dix derniers pays en termes de développement humain appartiennent à la zone franc. Selon le classement de la banque mondiale elle-même, le Botswana, dénué de ressources, est plus développé que le riche Gabon. Des pays comme le Cameroun ou la Côte-d’Ivoire ont accompli l’exploit de devenir des pays pauvres très endettés, objet de la sollicitude du club de Paris. Ce groupe informel de pays développés créanciers de pays pauvres est présidé par Michel Camdessus, qui fut directeur du Trésor français, gouverneur de la Banque de France, enfin directeur général du FMI de 1987 à 2000.
C’est ce même Camdessus qui est venu chanter les louanges de la dévaluation de 1994 au colloque susdit.

Car en guise de « regards croisés », on n’eut qu’une grand-messe françafricaine, toutes les interventions portant aux nues le franc CFA. Aucune grande voix africaine n’est venue troubler ce flot de louanges. Les pères de la critique du CFA sont morts : Sylvanus Olympio, premier président du Togo, assassiné au moment où il s’apprêtait à créer la monnaie togolaise, Joseph Tchoundjang Pouemi, économiste camerounais, « suicidé » peu après avoir publié un ouvrage décisif sur le sujet.
Le docile Ouattara, qui a fait toute sa carrière au FMI et à la BCAO avant d’être mis par nos armées à la tête de la Côte-d’Ivoire, y a en revanche prononcé un éloge inconditionnel du CFA, « un atout indéniable », et de ces accords « qui ont atteint leurs objectifs ». C’est le même pourtant qui a été tendre sa sébile auprès du Club de Paris, arguant de « la pauvreté galopante » et de « l’insuffisance des infrastructures » dont souffre son pays : c’étaient donc là les objectifs de la zone franc.


12 novembre 2012 par Odile Tobner

 

dimanche 25 novembre 2012

CdI: Quand Poncet disait en novembre 2004 : «Je veux des morts ivoiriens»





2004, à l'occasion de laquelle neuf soldats français et 64 civils ivoiriens (dont Antoine Massé, correspondant à Duékoué du quotidien Le Courrier d'Abidjan) ont perdu la vie dans des conditions jamais élucidées par le moindre procès ? Sans doute. Le site d'investigation Mediapart a ouvert le feu hier dans une enquête intitulée "MAM aux prises avec deux affaires ivoiriennes", mêlant dans le récit novembre 2004 et le meurtre, le 13 mai 2005, de Firmin Mahé, décrit comme un dangereux "coupeur de routes" par l'armée française.

Mediapart révèle pour la première fois les propos d'un colonel français sur l'état d'esprit qui était celui du général Poncet avant le massacre de l'Hôtel Ivoire, le 9 novembre 2004. "Le bombardement de Bouaké a créé une ambiance plus que tendue, propice aux représailles, régnant fin 2004-début 2005 au sein de la force Licorne. "Je veux des morts ivoiriens’’, aurait ainsi déclaré le général Poncet, le patron de la force Licorne, lors de la prise par les soldats français de l’aéroport d’Abidjan, et de la destruction des bombardiers et hélicoptères de l’armée ivoirienne selon le témoignage d’un colonel qui figure dans le dossier Mahé." Et effectivement il y eut des morts ivoiriens. 
Mediapart s'étonne également de la "clémence" dont a bénéficié Poncet au sujet de l'assassinat de Mahé, dont il avait pourtant été décrit comme le cerveau. "C'est un officier écœuré qui a fini par dénoncer à sa hiérarchie l’assassinat de Firmin Mahé. Ce crime est ensuite signalé au procureur du tribunal aux armées, le 12 octobre 2005, par le chef d’état-major de l’armée de terre, et donne lieu quelques jours plus tard à une information judiciaire pour «homicide volontaire». (...) La magistrate met en examen le général Henri Poncet, fin 2005, pour «complicité d’homicide volontaire». Le patron de la force Licorne a en effet été mis en cause au cours de l’instruction par le colonel Burgaud. Le général dément, et explique qu’il a seulement couvert ses hommes a posteriori, en validant une version tronquée de la mort de Firmin Mahé. Après le changement d’affectation de la juge, la collègue qui reprend le dossier Mahé, Florence Michon, accorde – en juillet 2010 – au général un non-lieu qui étonne les spécialistes, et a un parfum entêtant qui évoque la «raison d'Etat». Une "raison d'Etat" liée à ce que Poncet sait sur la vraie histoire du bombardement du camp français de Bouaké en novembre 2004 ? Il n'est pas interdit de se poser la question.

jeudi 8 novembre 2012

Guinée équatoriale : Claude Guéant et la « Françafrique d’Obiang »


Publié le mercredi 24 Octobre 2012 par Fouâd Harit. Source: Afrik.com


Claude Guéant et Todoro Obiang - Serge Bithoul au centre sur le canapé de gauche / Photo : Guineaecuatorialpress.com

Claude Guéant, au secours des entreprises françaises. La semaine dernière, l’ex-ministre de l’Intérieur français était en voyage d’affaires en Guinée équatoriale. Qu’a-t-il donc pu bien y faire ?

Après sa défaite symbolique aux dernières élections législatives à Boulogne, face au dissident UMP Thierry Solère, Claude Guéant est déjà à pied d’œuvre. A peine constitué, son cabinet d’avocats s’est pour la première fois envolé vers l’Afrique. Plus précisément en Guinée équatoriale, selon une annonce faite à L’Express la semaine dernière. Un pays où les relations avec l’hexagone se sont dégradées par l’affaire des « Bien mal acquis ». Peu importe, l’ancien ministre de l’Intérieur a gardé de bons contacts sur place. Ainsi, Claude Guéant s’y est rendu jeudi dernier pour aider, dit-il, une entreprise française en difficulté. Ce dernier est toutefois resté bien silencieux sur l’identité de l’entreprise bénéficiant de ses services...
Mais dans une photo parue sur le site Internet de l’association France-Guinée équatoriale, on aperçoit Claude Guéant à la tête d’une délégation composée notamment de son gendre Jean-Claude Charki, un banquier d’affaire, et de Serge Bithoul, PDG de GECI International, reçus par le président guinéen Obiang. Essaient-ils de vendre le Skylander, un avion dit « révolutionnaire » dont la construction est pilotée par Bithoul, en Guinée équatoriale ? L’association rappelle la passion du président Obiang pour les avions, il n’est donc « pas difficile de deviner autour de quoi a pu tourner l’entretien ». Une information confirmée ce mardi par le Républicain Lorrain.

Le Skylander est un avion civil biturbopropulsé. Les constructions menées par la société GECI International, à travers sa filiale GECI Aviation, ont démarré en 2001. Après un premier vol avorté en mai 2005, plusieurs reports, modifications et déménagements de site, la sortie du premier prototype n’était toujours pas réalisée en octobre 2012. Le pôle GECI Aviation est depuis 2008 implanté sur l’ancienne base aérienne de Chambley-Bussières, avec le soutien de la région Lorraine.

Un avion « involable » et invendable

Le Skylander n’a pour l’heure toujours pas trouvé acheteur. La « Françafrique d’Obiang » pourrait donc arriver à la rescousse de Serge Bithoul, par la voie (et la voix) de Claude Guéant. Cette visite d’affaires dans la sulfureuse Guinée équatoriale mitige certains ténors de la droite française, selon Le Républicain Lorrain, à l’instar de Gérard Longuet qui fustige la décision de Bithoul : « C’est très maladroit. [Le président] Obiang sent le soufre ; jamais Bitboul n’aurait dû aller là-bas. En plus, s’il échoue [à récupérer de l’argent], ce sera encore pire. Quand on déjeune avec le Diable, on prend de longues fourchettes ».
Le PDG de Sky Aircraft n’y voit, au contraire, aucun problème : « Le président Obiang n’est pas son fils, que je sache ! Le président, qui est francophone, n’a pas de problème avec la France. Des grandes sociétés du monde entier participent à de fructueux courants d’échanges avec la Guinée, qui est en pleine expansion ». La Guinée équatoriale est en effet en pleine expansion. Le pays est le troisième producteur de brut en Afrique, mais a l’une des populations les plus pauvres au monde. Nadine Morano, qui affirme entretenir des « contacts réguliers » sur le dossier Skylander, ne voit, elle aussi, aucun inconvénient à ce que Guéant et Bithoul fassent affaire avec le très controversé et opulent président Obiang.
L’entreprise qui a mobilisé plus de 130 millions de dollars pour la construction du biturbo n’a eu aucun partenaire dès le début du projet. Elle se retrouve aujourd’hui dos au mur. Il manquerait entre 150 et 180 millions de dollars d’ici à 2014. Toutes les solutions semblent désormais bonnes à prendre pour lancer un Skylander qui risque la chute libre avant même le décollage.

lundi 5 novembre 2012

POUR UNE LIBERATION IMMEDIATE ET SANS CONDITIONS DES PRISONNIERS POLITIQUES DU GABON

Nous publions ici un communiqué dénonçant les libertés bafouées actuellement au Gabon.



Le 15 août 2012, la police gabonaise a procédé à plusieurs dizaines d’arrestations à Libreville, pour la plupart au domicile des prévenus, de 4h du matin à 19h. Le motif officiel évoqué serait la participation à un meeting organisé par l’opposition politique et interdit par le gouvernement d'Ali Bongo Ondimba.

A la faveur d’une parodie de procès propre aux dictatures, tenue au tribunal de première instance de Libreville le 23 août 2012, avec une forte présence des forces armées en tenue d’assaut, malgré une interdiction d’accès au public qui obligera les avocats des détenus à vider la salle d’audience, 37 citoyens gabonais seront condamnés à un an de prison ferme mais la société civile sur place fait état de 48 personnes détenues et souvent torturées. Compte tenu des nombreux vices intervenus avant et pendant l'audience, cette audience n'aurait pas dû se tenir, mais être reportée, ne fut-ce que pour la forme. Les propos tenus par la Procureure de la République et repris par quelques médias locaux faisant état d’une sanction exemplaire des victimes de l’audience ne cachent plus les intentions d’un gouvernement qui accuse un véritable déficit dans la gestion et la reconnaissance des libertés fondamentales et dans lequel le principe de séparation des pouvoirs n’a plus droit de cité et, de façon exacerbée, depuis 2009.

Nous signalons ici que le Réseau de Défense des Droits Humains du Gabon vient de publier un rapport éloquent sur des violences physiques et des privations de vie contre des citoyens gabonais et les journalistes qui enquêtent sur ces scandales sont victimes de représailles judiciaires comme l’atteste une lettre du 24 octobre 2012 d’ACAT - France adressée à Ali Bongo Ondimba. Ce qui fait un signal de trop après l’emprisonnement arbitraire d’étudiants dans les mêmes conditions.

La violation récurrente des droits de l’homme au Gabon, l'impasse institutionnelle et politique deviennent très préoccupantes depuis l'avènement d'Ali Bongo au pouvoir justifiant ainsi l’exigence d’un dialogue politique en termes de conférence nationale souveraine sollicitée par la grande majorité du Peuple Gabonais aujourd’hui. Aussi, et en dépit de ces abus, nous exigeons des autorités gabonaises un pas vers la raison à travers la libération immédiate et sans conditions de tous les détenus politiques du Gabon.

Fait à Paris le 03 novembre 2012

Le Mouvement « Ça suffit comme ça »
La Convention de la Diaspora Gabonaise
Europe Ecologie les Verts
Front de Gauche (PCF, PG, GU, Fase, CetA, RetS, Pcof, GA)

vendredi 2 novembre 2012

Les ressources naturelles au Niger sont-elles un obstacle à la Démocratie ?

Dans le cadre de la Semaine de la Solidarité Internationale, Survie Gironde organise le mercredi 21 Novembre :
 - à 15h à Sciences-Po Bordeaux (tram B arrêt Montaigne-Montesquieu), salle Tocqueville
 - à 19h à l'Athénée Municipal (pl. St Christoly à Bx, tram A ou B arrêt Hôtel de Ville)
une rencontre débat avec Ramatou Solli, coordinatrice du Groupe de Recherche sur les Industries Extractives au Niger (GREN).

Alors que près d’un tiers de l’uranium des centrales nucléaires françaises vient du Niger (premier fournisseur d’Areva), ce pays reste classé avant dernier par le Programme des Nations Unis pour le Développement (PNUD) selon les critères de l'Indice de Développement Humain (espérance de vie, niveau d'éducation et niveau de vie).
Le dernier pays de cette liste étant la République Démocratique du Congo, autre pays au sous-sol extrêmement riche en ressources naturelles...

Comment se fait-il que le Niger, l'un des plus importants producteurs d'uranium au monde, figure dans les derniers de la planète en matière de développement humain ?

Comment se négocie entre l'Etat nigérien et Aréva, compagnie française à capitaux publics, l'autorisation d'exploiter ? 

Dans quelles conditions environnementale, politique et humaine a lieu cette exploitation ?

Quels sont les bénéfices de cette exploitation pour la population nigérienne ?

Mme Solli apportera ses réponses et témoignera de la lutte de la société civile nigérienne pour disposer d'un droit de regard sur l'exploitation de son sous-sol.

Nous pourrons dans un second temps élargir le débat sur les moyens dont nous disposons ici pour être solidaires et influencer les décisions de nos représentants politiques.

mardi 30 octobre 2012

La Suède et la Norvège jugeront des génocidaires... Et la France ?



Publié le 15 octobre 2012 (rédigé le 2 octobre 2012) par Alain Gauthier

Les deux pays scandinaves viennent d’annoncer qu’elles s’apprêtaient à juger des présumés génocidaires rwandais présents sur leur sol.
Après la Belgique, l’Allemagne et la Suisse, voici deux nouveaux pays européens qui prennent leurs responsabilités en déférant devant la justice des personnes soupçonnées d’avoir participé au génocide des Tutsi au Rwanda en 1994.
Cette décision courageuse souligne les lenteurs de la justice française qui, à ce jour, n’a encore jamais déféré devant une cour d’assise un seul des présumés génocidaires présents sur le sol français.
Les plaintes ne manquent pourtant pas.
Même si la création du « pôle d’enquêteurs spécialisés pour crimes contre l’humanité » au TGI de Paris a pu soulever quelques espoirs, les familles de rescapés attendent toujours.

D’aucuns avaient cru que l’arrivée d’un gouvernement de gauche en France et la nomination de Madame Taubira comme ministre de la justice pouvaient changer la donne. Le Collectif des parties civiles rwandaise (CPCR) avait attiré l’attention, dès sa nomination, de la nouvelle Garde des Sceaux, sur l’inertie de la justice française.

Malgré une relance, le ministère n’a toujours pas réagi. Christiane Taubira, s’était pourtant rendue au Rwanda pour exprimer son soutien aux victimes.
Dix-huit ans après, il est temps que les présumés génocidaires rwandais vivant en France soient jugés. La Norvège et la Suède nous montrent le chemin.


Vous venez de lire un article du mensuel Billets d'Afrique 217 - octobre 2012
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Au delà de cette lenteur judiciaire, signalons que l'émission "Rendez-vous avec X" (France Inter) du 13 octobre 2012 revient sur la complicité de la France dans le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994.






L'édito de Billets d'Afrique et d'Ailleurs (Octobre 2012)

Retrouvez ici chaque mois l'édito du mensuel publié par SURVIE :
Billets d'Afrique et d'ailleurs.
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Le sommet de la tartufferie



On ne peut que se féliciter que l’Organisation internationale de la francophonie ait choisi Kinshasa pour tenir son XIVe sommet, du 12 au 14 octobre 2012. On ne pouvait pas trouver un meilleur symbole de l’influence française que le martyre que vit la RDC.
Il n’est, pour se convaincre des bienfaits de la francophonie, que de comparer le sort de ce malheureux géant – le deuxième plus grand pays d’Afrique et le plus riche de la planète en ressources naturelles – à celui de l’anglophone Nigeria. Si la situation de cet autre géant africain est loin d’être idéale, elle est sans commune mesure avec l’enfer où est plongée la RDC, en proie à des affrontements armés qui ont déjà fait des millions de morts et où des provinces entières sont livrées à la violence des milices. 
Ce chaos n’est que le fruit des constants efforts accomplis, depuis l’assassinat de Lumumba, par les puissants « parrains » occidentaux, au sens maffieux du terme, de ce pays pour perpétuer sa mise en coupe réglée, en substituant au colonisateur belge des kleptocrates lo­caux. C’est la raison pour laquelle la France n’a jamais mégoté son soutien au sinistre Mobutu, n’hésitant pas à intervenir militairement en 1978 pour le maintenir au pouvoir.

Aujourd’hui comme hier, en RDC comme dans tous les pays d’Afrique francophone, il s’agit avant tout de « préserver les intérêts français », périphrase désignant pudiquement le pillage effréné des ressources africaines. Mais « cachez ce sang que je ne saurais voir » : le rôle de l’OIF est de dissimuler le cynisme meurtrier de la Françafrique sous le voile respectable de la francophonie.

Après avoir béni les élections truquées qui ont confirmé les dictatures gabonaise et camerounaise, l’OIF vient ainsi cautionner le coup de force de Joseph Kabila, reconduit à la tête de la RDC à la suite d’un véritable hold-up électoral, à un moment où ce régime dissimule de moins en moins sa nature criminelle : assassinats et disparitions frappent ceux qui dénoncent les abus du pouvoir ; le procès des assassins présumés du charismatique président de « La voix des sans-voix », Floribert Chebeya, a soigneusement étouffé toute possibilité de poursuivre les véritables coupables ; le chef du parti de la Démocratie chrétienne, Eugène Diomi Ndongala, a été enlevé par la police le 27 juin, alors qu’il s’apprêtait à lancer une plate-forme de 69 partis d’opposition – on craint qu’il n’ait été liquidé – ; la résidence d’Etienne Tshisekedi, leader de l’UDPS, principal parti de l’opposition, a été mise à sac le 29 août.

Voilà le régime que, faisant fi des suppliques de l’opposition congolaise, Hollande honore en se rendant à Kinshasa. Dans ce pays saigné à blanc, notre bonhomme va pouvoir pontifier sans vergogne sur la « communauté de principes et d’idéaux », que constitue selon lui la francophonie.

Pourtant, comme le rappelle le site d’information « le Congo indépendant », « pendant l’Eurofoot, le gouvernement français avait refusé d’envoyer une délégation officielle en Ukraine, protestant ainsi contre traitement infligé à Mme Loulia Timotchenko. Pourquoi une politique aussi flagrante de deux poids deux mesures ? » Ces Africains ne comprennent décidément rien : quelle meilleure preuve de la grandeur de la culture française que cette nouvelle incarnation de l’éternelle figure de Tartuffe ?

Odile Tobner


 

lundi 22 octobre 2012

Après le 17 octobre 1961, la France serait-elle prête à reconnaître la guerre du Cameroun ?

Nous reproduisons le communiqué des auteurs du livre Kamerun ! publié sur leur site avec leur autorisation.

Vous pouvez également ré-écouter l'émission "La marche de l'Histoire" (France Inter) qui avait invité Thomas Deltombe le 15 octobre 2012 pour parler de cette guerre cachée qu'a été la non-indépendance du Cameroun.


« Il ne viendrait à aucun responsable français l’idée de nier cette tragédie. » C’est ainsi que l’ambassadeur de France au Cameroun, Bruno Gain, commente notre livre Kamerun ! Une guerre cachée aux origines de la Françafrique (La Découverte, 2011) dans le quotidien camerounais Le Jour de ce 18 octobre. On est loin de l’aveuglement total d’un François Fillon qui, en visite à Yaoundé le 22 mai 2009, avait osé affirmer que «  tout cela c’est de la pure invention » (source).

Après la reconnaissance hier par François Hollande du massacre des Algériens du 17 octobre 1961, la France reconnaîtra-t-elle bientôt les crimes qu’elle a commis au cours de la guerre sanglante qu’elle a menée contre les nationalistes camerounais, avant et après l’indépendance de 1960 ?

On ne peut que se féliciter de cette prise de conscience, mais on devine aussi entre les lignes de sa déclaration (reproduite ci-dessous) une tentative inquiétante de dédouaner la France de ses responsabilités, à travers quatre souhaits de l’ambassadeur :
  • prétexter que « tout le travail de mémoire et de recherche sur cette période n’a pas encore été fait » pour remettre en question la réalité des faits. Comme tout fait historique, la guerre du Cameroun mérite de plus amples études, mais le déroulement de la guerre et les responsabilités de la France sont déjà largement documentées.
  • reporter toujours à un « plus tard » indéterminé la reconnaissance officielle des crimes perpétrés par la France et/ou sous son commandement au Cameroun (« Le moment viendra sans doute où cet indispensable travail mémoriel sera accompli »). Il a fallu 51 ans à la France pour admettre qu’elle a commis un massacre au cœur de Paris. Combien lui en faudra-t-elle pour reconnaître la guerre du Cameroun ?
  • renvoyer une part importante de la responsabilité du conflit sur « les Camerounais » – lesquels ? – pour mieux dédouaner les autorités françaises de leurs propres responsabilités (« Il y a en effet place pour un regard lucide et responsable sur une histoire qui est aussi une histoire partagée ; une histoire dont Français et Camerounais ont été les acteurs et les responsables et qui requiert une approche nuancée. »)
    - revenir au prétexte du fractionnement « ethnique » du Cameroun, usé jusqu’à la corde, pour appeler à la « prudence »… sans mentionner que les autorités coloniales et néocoloniales sont les premières à avoir suscité et exploité les divergences « tribales » (« L’évocation du maquis, du rôle de l’UPC, ou de la répression contre la communauté bamiléké m’incite aussi à observer qu’il faut éviter tout ce qui pourrait susciter un retour au tribalisme ou au clanisme. »)
La France doit reconnaître qu’elle a mené une petite guerre d’Algérie en Afrique centrale, passée largement inaperçue à l’époque et soigneusement masquée depuis. Une guerre qui a causé la mort de dizaines voire de centaines de milliers de Camerounais entre 1955 et 1971, et qui a permis d’installer le régime de terreur toujours en place aujourd’hui, incarné par Ahmadou Ahidjo (1958-1982) puis Paul Biya (1982 -…).

Bruno Gain affirme vouloir lever « beaucoup de tabous et de non-dits sur ces années noires » en favorisant la recherche historique et le travail de mémoire.
Nous le prenons au mot et l’appelons à œuvrer pour :
  • l’ouverture complète des archives françaises sur le sujet : trop de cartons d’archives sont encore interdits d’accès aux chercheurs
  • l’organisation d’un colloque d’historiens international consacré à la guerre du Cameroun
  • l’octroi d’aides aux jeunes chercheurs, notamment camerounais, qui travaillent aujourd’hui sur ce passé avec des moyens dérisoires.  

Extrait de l’interview de Bruno Gain dans Le Jour du 18 octobre 2012 :

Le Jour : Des chercheurs français et camerounais ont montré et démontré que les autorités françaises avaient mené une véritable guerre contre le mouvement nationaliste camerounais dans les années 1950-1960 pour maintenir le pays dans la sphère d’influence française même après l’indépendance du 1er janvier 1960.Quelle est la position officielle de la France sur ce conflit qui a fait plusieurs dizaines de milliers de morts ? Considère-t-elle toujours que cet épisode, pourtant très finement documenté aujourd’hui (comme par exemple dans le livre Kamerun ! paru en 2011 aux éditions La Découverte), soit de la « pure invention » ? Ne pensez-vous pas que la négation de cette guerre va se retourner contre la France, perçue dès lors comme arrogante et incapable de regarder son passé en face ? Ou pensez-vous, au contraire, comme le disait François Hollande à propos de la guerre d’Algérie, que l’oubli est «  forcément coupable  » et qu’il y a enfin « place pour un regard lucide, responsable, sur notre passé colonial et un élan confiant vers l’avenir » ?
Bruno Gain : La question que vous posez relève de l’Histoire. Il ne viendrait à aucun responsable français l’idée de nier cette tragédie. Mais j’incline à penser que tout le travail de mémoire et de recherche sur cette période n’a pas encore été fait. « Kamerun ! » est un ouvrage sérieux qui apporte certes un éclairage intéressant. Sans doute peut-il y en avoir d’autres. Nous ne pouvons qu’encourager les chercheurs et historiens français, mais aussi les Camerounais eux-mêmes, à se pencher sur ces années difficiles. Il y a en effet place pour un regard lucide et responsable sur une histoire qui est aussi une histoire partagée ; une histoire dont Français et Camerounais ont été les acteurs et les responsables et qui requiert une approche nuancée. Mais il y a encore beaucoup de tabous et de non-dits sur ces années noires. Le moment viendra sans doute où cet indispensable travail mémoriel sera accompli. L’évocation du maquis, du rôle de l’UPC, ou de la répression contre la communauté bamiléké m’incite aussi à observer qu’il faut éviter tout ce qui pourrait susciter un retour au tribalisme ou au clanisme. Les ethnies camerounaises sont comme les cellules d’un même corps. L’une ne peut pas vivre sans l’autre. C’est l’essence même de l’unité du Cameroun. Et je crois qu’il faut se garder de tout ce qui pourrait fragiliser l’esprit de tolérance si caractéristique de ce pays. Une haute personnalité camerounaise disait naguère qu’il fallait « lier la gerbe des originalités camerounaises pour en faire le noyau de la culture nationale ». C’est une formule à laquelle j’adhère pleinement. Il faut en permanence encourager ce vouloir vivre ensemble.




dimanche 14 octobre 2012

Biens mal acquis : le dernier caprice du fils Obiang

Mediapart PAR FABRICE ARFI - ARTICLE PUBLIÉ LE VENDREDI 12 OCTOBRE 2012

Toutes les personnes qui ont approché le dossier poussent le même soupir effaré : rien ne l’arrête. Teodoro Nguema Obiang (dit Teodorin), vice- président de Guinée-Équatoriale et fils du chef de l’État en exercice, visé en France par un mandat d’arrêt international dans l’affaire des “Biens mal acquis”, envisage d’acquérir pour 200 millions de dollars l’un des plus gros yachts de luxe au monde.

Il s’agit d’un bateau baptisé Al Salamah, propriété du prince Sultan ben Abdul Aziz, le ministre de la défense d’Arabie saoudite décédé l'an passé. Ses héritiers veulent à tout prix vendre le yacht, un mastodonte de 140 mètres de long, haut de cinq étages, hérissé d’une piste d’atterrissage pour hélicoptère et doté d’une salle de cinéma et d’un hôpital… Entre autres.

Al Salamah Ébruitée le 4 octobre par une indiscrétion de L’Express, l’affaire semble se préciser, même si la vente n'a pas été (encore) finalisée. D’après les éléments recueillis par Mediapart, une société commerciale a été créée le 23 juillet dernier en Guinée- Équatoriale pour se porter acquéreur du yacht convoité par Obiang junior (très friand en la matière). Elle se nomme Sociedad de transporte maritimo Guinea equatoriale, la Sotramar-GE, enregistrée sous le numéro 2 481 dans les registres officiels de Malabo, la capitale de Guinée-Équatoriale.

Fait intrigant: la Sotramar est déjà le nom d’une société de transport maritime parapublique guinéenne, créée en décembre 1971 et impliquée dans le commerce de la bauxite, le principal minerai permettant la production d’aluminium, dont les terres guinéennes sont très riches.

Des banques approchées ces dernières semaines ont refusé de rentrer dans le dossier tant Teodoro Obiang est devenu un personnage judiciairement infréquentable. De fait, de nombreuses questions se posent quant à l’origine réelle des fonds que le vice- président guinéen se dit prêt à débloquer pour assouvir ses désirs. D’où l’extrême prudence d'institutions bancaires qui ne souhaitent pas être embarquées dans une éventuelle opération de blanchiment.

La confusion entre la Sotramar de 2012 (société privée) et son homonyme de 1971 (société parapublique) n’est-elle d’ailleurs pas entretenue pour mélanger argent public et intérêts privés ? L’avocat français du fils Obiang, Me Emmanuel Marsigny, ne souhaite faire aucune déclaration sur ce dossier. Tout comme le secrétariat particulier parisien de la famille Sultan qui, joint par Mediapart, a fait savoir « qu’aucune espèce de commentaire ne sera fait là- dessus ».

Teodoro Obiang, aujourd’hui en charge du portefeuille ministériel de la défense après avoir détenu celui de l’agriculture, n’est pas connu de la justice française pour sa rigueur dans la gestion des deniers publics de son pays.

Personnage central de l’affaire dite des “Biens mal acquis”, Obiang junior est visé depuis le 12 juillet 2012 par un mandat d’arrêt émis par les juges Roger Le Loire et René Grouman, qui le soupçonnent de détournement de fonds publics, de blanchiment, d’abus de biens sociaux et d’abus de confiance. En clair, ils accusent le fils Obiang de piller les richesses de son pays pour se constituer en France et dans le monde un faramineux patrimoine.

Les magistrats ont déjà fait procéder à la saisie de quatorze voitures de luxe, ainsi qu’à celle de très nombreux meubles et objets d’art possédés par M. Obiang, logé à Paris dans un somptueux hôtel particulier de l’avenue Foch. Celui-ci a fait l’objet d’une spectaculaire perquisition en février dernier.

Plusieurs rapports de la police et de la cellule anti-blanchiment du ministère des finances Tracfin ont décrit ces dernières années dans le détail les extravagances financières du fils Obiang. Dans une note de synthèse du 6 novembre 2007, l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière notait ainsi que Teodoro Nguema Obiang avait « fait notamment l’acquisition en France d’une quinzaine de véhicules pour un montant estimé de plus de 5,7 millions d’euros ».

Parmi les bolides commandés auprès d’un constructeur alsacien figurent trois Bugatti Veyron « d’un montant unitaire de plus de 1 milliond’euros ». L’achat de plusieurs voitures a été effectué par des virements provenant de la Somagui Forestal, une société forestière guinéenne dont le dirigeant était Teodoro Obiang, qui occupait parallèlement à l’époque le poste de ministre de l’agriculture et des forêts, avec une indemnité officielle de… 3 200 euros mensuels. « Les flux mis en exergue (…) sont susceptibles de traduire du blanchiment du produit d’un détournement de fonds publics », notait Tracfin dans un rapport.

Les diligences judiciaires françaises, très mal vues par le clan Obiang, ont singulièrement tendu les relations diplomatiques entre Paris et Malabo, où la réplique n’a pas tardé. En mai 2012, une enquête pour corruption a été ouverte en Guinée, visant directement le président de l’association anti- corruption Transparence International France, Daniel Lebègue, à l’origine avec d’autres ONG françaises de la procédure des “Biens mal acquis”.

« Le sentiment d’impuissance d'un régime à bout de course, face à la marche de la justice, conduit à la multiplication des écrans de fumée et des contre- feux », avait alors réagi l’avocat William Bourdon, président de l’association Sherpa, partie civile dans le dossier des “Biens mal acquis” aux côtés de Transparence International.

samedi 13 octobre 2012

Communiqué: Hollande à Kinshasa: Françafrique et langue de bois

Après quelques atermoiements et une déclaration supposée offensive sur l’absence de démocratie en RDC destinée à atténuer d’éventuelles critiques, François Hollande se rendra dimanche à Kinshasa pour participer au sommet de l’OIF. Avec pour enjeu, sous couvert de promotion de la langue française et des valeurs républicaines, l’affirmation de la domination économique, politique et militaire de la France vis à vis de ses « partenaires » africains.

En langue de bois, la langue la plus courante dans les enceintes diplomatiques, « dictateur » se dit « chef d’Etat élu au terme d’un scrutin entaché de quelques irrégularités », se compromettre avec des régimes corrompus et répressifs se défend par la volonté de « ne pas pratiquer la politique de la chaise vide ». « État en déliquescence et en proie à la violence » se dit « Etat fragile » ou, si l’on veut se montrer un peu plus offensif, « Etat où la situation de la démocratie et des droits de l’Homme est inacceptable ».

En acceptant de participer au sommet de l’Organisation Internationale de la Francophonie de Kinshasa, et donc de se rendre sur les terres de Joseph Kabila, l’un des pires dictateurs du continent, imposé par les armes, la répression des opposants et la violation des urnes (à l’exemple de la mascarade électorale de novembre 2011), le Président de la République semble cependant bien enterrer définitivement ses promesses d’en finir avec le système de la Françafrique. Ce ne sont pas sa petite déclaration sur l’état des droits de l’Homme en RDC et quelques aménagements cosmétiques affichés dans le programme du déplacement présidentiel (escales à Dakar, rencontre d’opposants congolais) qui atténueront le choc du symbole. Celui de voir une nouvelle fois un chef de l’Etat français s’afficher aux côtés d’un parterre de chefs d’Etat supposés unis par une langue en partage, quand le terreau commun d’un bon nombre d’entre eux est la corruption et l’oppression, dans le cadre d’un Sommet de l’organisation porte-étendard de l’influence française qu’est la Francophonie.

De simple agence de coopération culturelle et technique (ACCT), en 1970, l’Organisation internationale de la Francophonie s’est muée de sommet en sommet en enceinte politique, avec la nomination d’un secrétaire général, l’adoption d’une Charte et un élargissement constant à des pays comptant parfois très peu de locuteurs français mais qui voient un grand intérêt à intégrer l’amicale des chefs d’Etat francophones, espace de solidarité politique à défaut d’être un vrai outil d’échange culturel et linguistique.

Malgré l’adoption de textes sur la défense de la démocratie, à l’instar de la déclaration de Bamako de 2000, l’OIF a en effet servi tout au long de son existence à conforter des dictateurs en place, tenant ses sommets à Brazzaville ou à Ouagadougou, envoyant des délégations complaisantes « observer » certaines élections (160 missions sur une vingtaine d’années, dont bien peu ont nourri la chronique pour leur esprit critique, à l’exemple de la caution apportée en octobre 2011 à l’élection présidentielle au Cameroun) ou acceptant dans ses rangs des dictateurs anglophones isolés politiquement.

Parmi les volets moins connus de l’activité de l’OIF figure également la « prévention des conflits », consacrée par la déclaration de Saint-Boniface, adoptée par l’OIF en mai 2006. Présenté comme un secteur de plus en plus stratégique pour cette organisation lors d’un colloque de l’OIF en 2009 à l’IRIS, s’appuyant principalement sur des activités de formation, ce glissement militaire de la Francophonie fait surtout redouter un nouvel habillage multilatéral de l’interventionnisme militaire français, en supplément des cadres onusien, européen (Eufor) ou de dispositifs comme RECAMP.

Ce déplacement intervient dans un contexte d’accélération du positionnement de l’exécutif français sur le terrain des relations franco-africaines, avec pour point focal la crise au Mali, qui alimentera à n’en pas douter les échanges formels et informels entre la délégation française et les chefs d’Etat africains présents à Kinshasa. Il serait à cet égard intéressant de savoir si le Président de la République osera parler de « situation des droits de l’Homme inacceptable » dans un pays comme le Tchad, dont la France négocie le soutien militaire à une intervention au Mali.

François Hollande et son gouvernement auront donc réussi l’exploit de s’approprier en quelques mois seulement toutes les composantes diplomatiques, politiques, monétaires et militaires de la Françafrique. Le terrain économique avec la promotion des intérêts d’Areva auprès du président nigérien Issoufou, reçu 11 juin dernier. Le terrain politique et diplomatique, avec les déplacements de ministres français au Tchad et au Burkina Faso fin juillet et l’accueil à l’Elysée d’Ali Bongo, Alassane Ouattara et Blaise Compaoré en l’espace de deux mois. Le volet militaire, avec pour point d’orgue l’activisme français dans les couloirs de l’ONU à New York pour imposer une intervention militaire dans le Sahel pilotée par la France. Et bien sût le volet monétaire, avec la célébration à Paris des 40 ans du franc CFA le 5 octobre dernier.

Ne manquait plus qu’un sommet de l’OIF pour, le temps d’une petite photo de famille, d’un discours de circonstance sur les valeurs et les droits à défendre (il est toujours utile d’animer un peu les repas de famille) et de quelques échanges avec des associations et opposants, continuer d’apporter du crédit à une organisation supposée linguistique qui n’a toujours été qu’un outil d’influence.

En langue de bois diplomatique, il est certes plus convenable de dire « Francophonie » que « Françafrique ».

Fabrice Tarrit, président de l'association Survie

Vous pouvez également l'article de Rue89 sur ce sommet.

mercredi 10 octobre 2012

23 et 24 Octobre : L'exploitation du pétrole dans le delta du Niger

Le mardi 23 octobre à partir de 19h30, la librairie du Muguet et Survie Gironde organisent une soirée débat sur les terribles conditions humaines et environnementales de l'exploitation du pétrole dans le delta du Niger (cliquez ici pour en savoir plus).

La soirée aura lieu à l'Athénée Libertaire (plan ci dessous) et s'organisera autour de la diffusion d'un documentaire réalisé par Philippe Lespinasse pour l'émission Thalassa, suivie d'un débat en présence du réalisateur ainsi que de Xavier Montanyà, auteur du dernier Dossier Noir qui vient de paraitre, intitulé "L'or noir du Nigéria" (éditions Agone).
Entrée libre.

Le mercredi 24 octobre, Xavier Montanyà donnera une conférence à Sciences-Po Bordeaux, salle Erasme (Pessac, Tram ligne B, arrêt Montaigne-Montesquieu), de 13h15 à 14h30.



Athénée Libertaire, 7 rue du Muguet à Bordeaux


mardi 25 septembre 2012

6 Octobre: Projection du documentaire "Tuez-les tous"

Le 6 Octobre à 20h, l'association Cauri organise une projection du documentaire "Tuez-les tous! (Rwanda: histoire d'un génocide "sans importance")". Cette projection aura lieu à la maison cantonale (20 rue de Chateauneuf).

Ce documentaire réalisé en 2004, revient sur la tragédie de 1994 à travers de nombreuses images d'archives, des entretiens et de nombreux rappels historiques. D'une force rare, il aide à mieux saisir les origines et le déroulement de ce drame, sans oublier le rôle de la France.

La projection sera suivi d'un débat en présence d'Adélaïde Mukantabana (présidente de l'association Cauri), de Moulay Aïdara (membre de Afriques en lutte), d'André Rosevègue (Centre d'Etudes Sociales de Bordeaux) et de Laurent Delage (NPA 33).

vendredi 21 septembre 2012

La famille de Vincent Delory, mort au Mali, redemande la levée du secret défense

Article extrait du site RFI: http://www.rfi.fr/afrique/20120920-otage-francais-vincent-delory-mort-mali-famille-redemande-levee-secret-defense
Plus d’un an et demi après la mort de Vincent Delory et Antoine de Léocour, au Mali, la famille Delory attend toujours de comprendre les circonstances du décès du jeune homme. Dans une lettre adressée au président français, François Hollande, la famille a redemandé la levée totale du secret défense dans ce dossier. Elle sera reçue, vendredi 21 septembre, au palais de justice de Paris par la juge antiterroriste Nathalie Poux, chargée de l’affaire. Vincent Delory avait été enlevé au Niger le 7 janvier 2011 et tué, le jour suivant, à la frontière malienne, lors d’une opération des forces spéciales françaises qui ont tenté de le libérer.
La famille Delory veut connaître la vérité et pour cela, il faudrait que l’Etat accepte la levée totale du secret défense et que l’information judiciaire soit étendue à des faits d’homicide involontaire par le parquet de Paris. C’est ce que demande Annabelle Delory, sœur de Vincent, dans une lettre remise mercredi au président français, à l’occasion de la cérémonie d’hommage annuelle aux victimes du terrorisme.
Jointe par RFI, Annabelle Delory rappelle qu’il y a beaucoup de points qui restent sans réponse. Elle souligne surtout qu'à l'heure actuelle, le juge d’instruction est saisi des suites «d’enlèvement et séquestration en lien avec une entreprise terroriste », le mettant ainsi dans l’impossibilité de toucher aux circonstances de la mort de son frère. Pour permettre d’éclairer ces circonstances, il faudrait, précise-t-elle, que le parquet de Paris accorde au juge un supplément d’information pour « homicide involontaire » et qu’il puisse avoir accès aux documents relatifs à l’intervention.
La famille et l’avocat des Delory seront reçus, ce vendredi 21 septembre, au palais de justice de Paris par les juges antiterroristes afin de savoir où en est l’instruction. Annabelle Delory n’exclut pas la responsabilité de l’armée française. « Pour nous, compte tenu de l’ensemble des éléments que nous avons réussi à obtenir, il est de plus en plus évident qu’il y a une part de responsabilité de l’intervention militaire », a-t-elle avancé.
Lors de la cérémonie d’hommage aux victimes du terrorisme, François Hollande a promis « la vérité, notamment sur les procédures en cours » et « la transparence la plus entière ». La sœur de Vincent Delory veut croire au discours du président français. « Je veux avoir de l’espoir, je veux croire que ce ne sont pas que des mots. Mais j’attends surtout que cela se concrétise », a-t-elle ajouté sur RFI.
Catherine de Léocour, mère du deuxième otage décédé, Antoine de Léocour, a également écrit au président, regrettant, elle aussi, les limites de la saisine des juges antiterroristes. Antoine a été tué par les ravisseurs. Vincent a été retrouvé, le corps à moitié calciné, criblé de balles.