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La colonisation : un point de détail de l’histoire républicaine
En plaçant son mandat sous le patronage de Jules Ferry, notre nouveau président fait de l’entreprise coloniale et du racisme d’État un point de détail de notre histoire. Il ne semble pas avoir compris que les mots, proférés par Ferry du haut de la tribune de la chambre des députés, « il faut parler plus haut et plus vrai ! il faut dire ouvertement que les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures », ouvrirent l’ère « des plus grands massacres que l’humanité ait connue, et finalement de l’« ensauvagement » du continent européen » (Césaire).
Ce catéchisme laïc de l’inégalité des races, l’instruction obligatoire permit de
l’enfoncer dans la tête de tous les petits Français, dès lors disposés à accepter
le pire. Ferry a donné à l’impérialisme sa justification définitive. « Je répète qu’il
y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles.
Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. » Voilà les interventions les
plus brutales sacralisées par la supériorité morale. Voilà l’humanisme lui-même
commandant d’exterminer tous ceux qui résistent à l’avancée de la civilisation.
La récente démocratisation à la bombe de la Côte d’ivoire et de la Libye n’est
que la dernière application du principe.
À moins que Hollande n’ait en toute connaissance de cause mis ses pas
dans ceux du promoteur de l’expansion coloniale. Il est vrai que la gauche de
gouvernement a toujours été partie prenante de l’entreprise impériale, du front
populaire au génocide rwandais en passant par le gouvernement Mollet. On
connaît les hauts faits de Mitterrand, de l’Algérie jusqu’au Rwanda. Ces mots
qu’il eut à la fin de son second mandat : « Je le dis solennellement : la France doit
maintenir sa route et refuser de réduire ses ambitions africaines. La France ne
serait plus tout à fait elle-même si elle renonçait à être présente en Afrique » font
écho à ceux de Ferry : « La France ne veut pas être seulement un pays libre, mais
un grand pays, exerçant son influence sur les destinées du monde et répandant,
partout où il peut les porter, ses mœurs, sa langue, ses armes, son drapeau, son
génie. »
Des historiens ont jugé anachroniques les protestations suscitées par le choix
de Hollande : rien n’est plus faux. Bien des députés de 1885, tant de gauche que
de droite, virent à juste titre dans cette théorisation raciale de la colonisation
« l’abdication des principes de 1789 et de 1848 », « la justification de l’esclavage
et de la traite des nègres ». Quant à Clémenceau, il répliqua :
« Regardez l’histoire de la conquête de ces peuples que vous dites barbares et vous y verrez la violence, tous les crimes déchaînés, l’oppression, le sang coulant à flots, le faible opprimé, tyrannisé par le vainqueur ! Voilà l’histoire de votre civilisation ! [...] Combien de crimes atroces, effroyables ont été commis au nom de la justice et de la civilisation. »
Ce qui est anachronique, c’est cette promotion de l’inventeur du racisme d’État
au rang de saint patron des élèves d’aujourd’hui, dont une partie est issue de
ces peuples réputés inférieurs par Ferry. Qu’arriverait-t-il si certains d’entre eux,
issus ou non de ces « races » inférieures, refusaient de participer à un hommage
qu’un enseignant, fort de l’exemple donné en haut lieu, s’aviserait de leur
imposer ?
L’hommage au représentant le plus fameux du lobby colonial fait
craindre que, bien loin de « faire de l’école un lieu d’intégration de tous les enfants
de la République », objectif affiché par Hollande, on continue, sous couvert de
laïcité, à exclure des jeunes filles modestes de l’école publique sous le prétexte
qu’elles portent un foulard tout en subventionnant massivement l’enseignement
catholique. Ici comme outre-mer, il s’agira toujours de « civiliser » les inférieurs.
Odile Tobner
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