Depuis de nombreuses années, des associations de la société civile, des professionnels de la justice, des universitaires dénoncent les insuffisances criantes de la législation française en matière d’intégrité de la vie politique et de lutte contre la délinquance financière, et alertent sur les dommages importants résultant de ces lacunes : délitement de la démocratie - minée par les conflits d’intérêts, les fraudes fiscales, la corruption, … -, perte de confiance des citoyens dans les institutions et les responsables politiques et aggravation de la crise économique.
Les gouvernements successifs sont malheureusement restés sourds… Appel de Genève en 1996, rapport parlementaire de 2002 sur les paradis fiscaux, appel « 2005 : plus d’excuses ! » de la plateforme « paradis fiscaux et judiciaires », rapport Sauvé sur les conflits d’intérêts en 2011, appel « Agir contre la corruption » en juin 2012, appel de Transparency International France pour « faire de la lutte contre la corruption et de l’éthique publique une grande cause nationale », rien n’y fit, ou si peu…
Le Président la République avait pourtant indiqué pendant sa campagne qu’il ferait de la lutte contre la corruption et de la moralisation de la vie publique une de ses priorités.
On nous annonce cette fois « un texte assez fort » qui devrait être présenté en Conseil des ministres le 24 avril. Le crédit de la classe politique impose d’en finir avec les fausses promesses, les faux-semblants et de mettre en oeuvre une politique permettant réellement de garantir la transparence et la probité de la vie publique, et de combattre efficacement la délinquance économique.
Pour cela, les réformes à venir devront a minima :
- Renforcer l’intégrité de la vie politique en :
- Mettant en oeuvre des règles propres à prévenir les conflits d’intérêts : obligation de publier une déclaration d’intérêts précise pour les élus, les ministres et les plus hautes fonctions publiques, obligation de s’abstenir de participer à une décision publique en cas d’intérêt personnel et en renforçant le régime des incompatibilités pour les membres du gouvernement et du parlement ;
- Interdisant le cumul des mandats dans la vie publique et en limitant leur renouvellement ;
- Posant pour les candidats aux élections politiques les mêmes exigences de probité que pour les candidats à une fonction publique, s’agissant notamment de l’absence d’antécédents judiciaires ;
- Confiant à des autorités indépendantes le contrôle des marchés publics, l’encadrement des activités de lobbying, la protection des lanceurs d’alerte, y compris en ce qui concerne le secteur public ;
- Donnant aux organismes de prévention de la corruption et de contrôle du patrimoine des élus, qui ne sont pour certaines que des coquilles vides, de véritables moyens et des pouvoirs accrus ;
- Garantissant la transparence et l’indépendance de l’expertise, notamment par la publication des liens financiers entre industriels, experts, agences publiques et associations ;
- Instaurant un véritable contrôle des comptes des deux assemblées par la Cour des comptes et en rendant transparente l’usage de la réserve parlementaire.
- Renforcer la lutte contre la délinquance financière en :
- Donnant aux procureurs de la République l’indépendance nécessaire pour une application de la loi égale pour tous : leur nomination devra être confiée au Conseil supérieur de la magistrature et non plus au pouvoir exécutif et ils devront pouvoir exercer pleinement leur mission de poursuite, grâce à des officiers de police judiciaire qui leur seront rattachés, notamment en matière de fraude fiscale, domaine où leur action reste pour l’instant subordonnée à l’aval du ministre du budget ;
- Mettant fin au monopole du parquet pour la poursuite de faits de corruption commis à l’étranger ;
- Prévoyant l’obligation de poursuivre les infractions à la probité ;
- Permettant l’exercice des droits reconnus à la partie civile aux associations dont l’objet statutaire est la lutte contre les atteintes à la probité publique ;
- Donnant à une autorité judiciaire, et non plus au ministre, la compétence pour apprécier le caractère "secret défense" d’une information ;
- Incriminant le trafic d’influence en direction des agents publics étrangers ;
- Prévoyant des sanctions financières dissuasives pour les personnes morales condamnées ;
- Améliorant la coopération judiciaire européenne – notamment par la création d’un véritable parquet européen – et internationale pour lutter contre la délinquance financière transnationale, notamment la fraude fiscale ;
- Établissant l’obligation, pour toutes les entreprises transnationales, de publier dans leurs rapports financiers les informations concernant leurs filiales à l’étranger ;
- Développant la lutte contre la fraude fiscale par l’échange automatique d’informations entre les établissements bancaires et les administrations fiscales et les autorités judiciaires des Etats de l’Union Européenne ;
- Améliorant la coopération judiciaire européenne – notamment par la création d’un véritable parquet européen – et internationale pour lutter contre la délinquance financière transnationale, notamment la fraude fiscale ;
- Agir sur le plan européen afin que soient prévues des sanctions à l’égard des paradis fiscaux et des territoires non coopératifs.
À défaut, les réformes annoncées ne seraient qu’une opération supplémentaire de communication.
Contacts presse :
- Anticor (http://anticor.org/) : Eric Alt (06 87 76 71 02) ou Jean-Luc Trotignon (06 09 94 43 22)
- Sherpa : William Bourdon (01 42 60 32 60)
- Survie : Danyel Dubreuil (01 44 61 03 25)
- Syndicat de la magistrature : Sophie Combes (01 48 05 47 88 ou 06 86 47 49 80)
- Transparency International France : Myriam Savy (01 84 16 95 65) – Appel grande cause nationale : http://www.chaquesignaturecompte.com
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