À quelques mois de l’élection présidentielle française et des élections législatives au Congo-Brazzaville prévues à l’automne 2012, la réception par Nicolas Sarkozy de Denis Sassou Nguesso le 8 février vient rappeler les liens complaisants que les autorités françaises continuent d’entretenir avec les dictatures françafricaines. Au pouvoir de 1979 à 1992 et depuis 1997, avec l’appui d’Elf et de l’État français, le régime du président du Congo Brazzaville a toutes les caractéristiques d’un régime dictatorial tels que ceux avec lesquels Nicolas Sarkozy avait promis de rompre en 2007, puis en 2011, suite au renversement de Ben Ali en Tunisie.
Le règne de Sassou Nguesso se caractérise par le crime, la corruption, la violation des droits humains, le détournement des ressources du pays au profit du clan présidentiel ce qui n’empêche pas l’Ambassade de France d’afficher ostensiblement sur son site que « la France entretient depuis toujours des relations privilégiées de coopération avec la République du Congo et se place aujourd’hui au premier rang des bailleurs de fonds bilatéraux présents dans le pays. »
En effet, pour son retour au pouvoir en 1997 Sassou Nguesso avait programmé et exécuté des massacres de populations civiles, plongeant le pays dans une guerre dont l’un des épisodes est toujours en procédure devant la justice française : l’affaire des « disparus du Beach ». Denis Sassou Nguesso est aussi parmi les chefs d’État visés par la procédure judiciaire sur les « Biens Mal Acquis ». Cette affaire met en lumière le patrimoine considérable acquis grâce aux détournements de fonds publics, avec la complicité d’acteurs français. Les déclarations récentes de l’avocat Robert Bourgi rappellent d’ailleurs, quelques années après l’affaire Elf, que cette manne aurait grandement alimenté la vie politique française. Cette visite officielle du dictateur congolais est aussi une insulte à la mémoire du journaliste franco-congolais Bruno Ossébi, vraisemblablement assassiné en février 2009 à Brazzaville, en raison de son travail sur la corruption et les « Biens Mal Acquis » [1]. La Coalition Congolaise Publiez Ce Que Vous Payez (PWYP Congo) reste très critique sur l’absence de transparence sur les revenus du pétrole congolais [2].
En 2009, deux personnalités de l’UMP, Jacques Toubon et Patrick Gaubert, ont apporté leur caution à la mascarade électorale au cours de laquelle Sasou Nguesso a été « réélu », ce qui est une manière de soutenir ce régime « stable » qui a toujours permis la bonne implantation des grandes entreprises françaises au Congo Brazzaville (telles que le pétrolier Total ou le groupe Bolloré, qui a obtenu la même année la concession du port de Pointe-Noire pour une durée de 30 ans).
Survie et la Fédération des Congolais de la Diaspora (FCD) dénoncent cette visite et demandent aux autorités françaises :
- la fin du soutien au régime dictatorial de Denis Sassou Nguesso et aux autres dictatures en Afrique
- la dénonciation des élections factices visant à maintenir les dictateurs
- l’arrêt des pressions politiques au travers du Parquet dans l’affaire des Biens Mal Acquis
- le gel des avoirs illicites des dictateurs et le renforcement des mécanismes préventifs
- le soutien à l’exigence d’une enquête véritable sur la mort de Bruno Ossébi
- l’arrêt de toute coopération militaire, policière et la suppression des partenariats de Défense avec les régimes dictatoriaux
- la création d’une commission d’enquête parlementaire sur l’ensemble de la coopération militaire et policière française en Afrique.
[1] Bruno Ossébi s’intéressait notamment aux projets de financement de l’activité pétrolière par la BNP Paribas. Voir le communiqué du 2 février 2010, Survie, ACAT-France, CCFD, Sherpa : Il y a un an, Bruno Ossebi disparaissait
[2] Dans un communiqué publié le 31 décembre « Rapport de conciliation de volumes et des chiffres dans le cadre du processus de mise en œuvre de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) » par la République du Congo, :« Le refus de coopération de ces différentes entités publiques a eu pour résultat des écarts injustifiés des flux physiques et financiers s’élevant respectivement à 1.384.059 barils et 106436 MsFCFA (161Ms€). », « Il est simplement incompréhensible que pour 2010, les recettes pétrolières déclarées au FMI se chiffrent à 1758MdsFCFA (2,7Mds€) et pour la même période, l’ITIE a déclaré 1553MdsFCFA (2,4Mds€) soit un écart de près de 204MsFCF (312Ms€) pour lequel le gouvernement devrait fournir des explications. »,
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