Billets d'Afrique et d'ailleurs.
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Arcana imperii
Le procès des assassins de Firmin Mahé devait être l’occasion d’appliquer pour
la première fois la loi pénale ordinaire à des exactions commises par des militaires
français au cours d’opérations extérieures. On n’a pas été déçu : en prononçant
des peines ridicules au regard de l’horreur du crime commis, la cour d’assises de
Paris a reconnu à l’armée coloniale droit de vie et de mort sur l’indigène. En fait
de lois de la République, c’est la loi de Lynch que la justice française a consacrée,
avec l’approbation de tous les canards qui font l’opinion.
C’est en effet à l’issue d’un véritable lynchage que Firmin Mahé a trouvé la mort
ce 13 mai 2005. Blessé à la jambe par le tir d’une patrouille de la Force Licorne, il
est emmené au camp français de Bangolo, où il est roué de coups, voire pire – le
corps n’a jamais été rendu à la famille. Puis, peut-être pour dissimuler l’horreur de
ce premier crime, quatre militaires l’emmènent inconscient dans un véhicule blindé,
où il est étouffé au moyen d’un sac plastique.
Devant la Cour, les militaires français ont justifié ce déchaînement de violence en accusant cet homme d’être le chef des « coupeurs de route » qui mettaient à feu et à sang la « zone de confiance » créée par la France en janvier 2003, dans le cadre des accords de Marcoussis . Rien ne vint conforter ce récit hormis le témoignage d’une Ivoirienne exfiltrée en France après les faits et gratifiée sans délai de la nationalité française. Pourtant c’est ce conte qui fit autorité dans le prétoire. Pis, violant la présomption d’innocence dont elle est censée être une gardienne vigilante, l’avocate générale fit savoir dans son réquisitoire qu’elle « pensait » que Mahé était un dangereux criminel. De même, l’ensemble de la presse adopta sans réserve le point de vue de la défense, transformant des assassins en héros conformes à l’image du soldat français secourant la veuve et l’orphelin, quitte à enfreindre les règles sacrées du droit des gens.
Avocats de la défense, magistrats comme faiseurs d’opinion justifièrent ce crime par « la situation exceptionnelle » qui prévalait dans la zone de confiance. Pourtant, comme le souligne le journaliste Théophile Kouamouo, « à aucun moment, il n’a été question du pays qui avait conçu cette « zone de confiance », sans administration, sans police et sans justice, véritable foutoir organisé, dont le seul intérêt était qu’elle garantissait de la meilleure manière la partition de la Côte d’Ivoire : la France. »
Alors qu’elle aurait dû, au terme de l’accord de défense qui la liait à la Côte d’Ivoire, repousser les rebelles qui s’attaquaient à un État de droit, la France institutionnalisa la criminalité par les accords de Marcoussis, qui leur confiaient les ministères de la Défense et de l’Intérieur et créaient cette zone de non-droit, laissant le champ libre à toutes les exactions. Le maintien de l’ordre étant le prétexte de l’opération Licorne, on comprend dans ces conditions que l’armée n’ait eu d’autre choix que de faire endosser ces crimes à un innocent – c’est ainsi que le droit appelle tout homme qui n’a pas été régulièrement jugé et condamné, on a honte de devoir le rappeler à une magistrate chevronnée. (Lire par ailleurs page 7)
Ce n’était qu’un exploit parmi d’autres de nos soldats en Côte d’Ivoire.
En septembre 2003, quatre d’entre eux, censés garder la BCAO de Bouaké, ramassèrent 38 millions de francs CFA tombés des mains des rebelles alors que ceux-ci emportaient 20 milliards de francs CFA.
En septembre 2004, douze soldats français s’emparèrent de 65 millions de CFA à l’issue du casse de la BCAO de Man, dont ils avaient la garde. Ces affaires furent réglées en famille, sans la moindre publicité, par l’ex-tribunal aux armées.
Le 6 novembre 2004 le bombardement du cantonnement de l’armée française de Bouaké, tua neuf soldats. Les soldats français, qui occupaient l’aéroport de Yamoussoukro, détruisirent les avions de retour à leur base, et leurs pilotes biélorusses furent exfiltrés au Togo après avoir été brièvement retenus. Ce bombardement servit de prétexte à la descente des forces françaises sur Abidjan et à la résidence du président Gbagbo. La mobilisation populaire qui s’ensuivit s’acheva par la fusillade de l’Hôtel Ivoire, le 9 novembre, au cours de laquelle le détachement français déchargea ses armes sur la foule, faisant des dizaines de morts.
En Côte d’Ivoire, comme au Rwanda, l’armée française fut l’école du crime : c’est ce qui ne doit pas être dit.
Devant la Cour, les militaires français ont justifié ce déchaînement de violence en accusant cet homme d’être le chef des « coupeurs de route » qui mettaient à feu et à sang la « zone de confiance » créée par la France en janvier 2003, dans le cadre des accords de Marcoussis . Rien ne vint conforter ce récit hormis le témoignage d’une Ivoirienne exfiltrée en France après les faits et gratifiée sans délai de la nationalité française. Pourtant c’est ce conte qui fit autorité dans le prétoire. Pis, violant la présomption d’innocence dont elle est censée être une gardienne vigilante, l’avocate générale fit savoir dans son réquisitoire qu’elle « pensait » que Mahé était un dangereux criminel. De même, l’ensemble de la presse adopta sans réserve le point de vue de la défense, transformant des assassins en héros conformes à l’image du soldat français secourant la veuve et l’orphelin, quitte à enfreindre les règles sacrées du droit des gens.
Avocats de la défense, magistrats comme faiseurs d’opinion justifièrent ce crime par « la situation exceptionnelle » qui prévalait dans la zone de confiance. Pourtant, comme le souligne le journaliste Théophile Kouamouo, « à aucun moment, il n’a été question du pays qui avait conçu cette « zone de confiance », sans administration, sans police et sans justice, véritable foutoir organisé, dont le seul intérêt était qu’elle garantissait de la meilleure manière la partition de la Côte d’Ivoire : la France. »
Alors qu’elle aurait dû, au terme de l’accord de défense qui la liait à la Côte d’Ivoire, repousser les rebelles qui s’attaquaient à un État de droit, la France institutionnalisa la criminalité par les accords de Marcoussis, qui leur confiaient les ministères de la Défense et de l’Intérieur et créaient cette zone de non-droit, laissant le champ libre à toutes les exactions. Le maintien de l’ordre étant le prétexte de l’opération Licorne, on comprend dans ces conditions que l’armée n’ait eu d’autre choix que de faire endosser ces crimes à un innocent – c’est ainsi que le droit appelle tout homme qui n’a pas été régulièrement jugé et condamné, on a honte de devoir le rappeler à une magistrate chevronnée. (Lire par ailleurs page 7)
Ce n’était qu’un exploit parmi d’autres de nos soldats en Côte d’Ivoire.
En septembre 2003, quatre d’entre eux, censés garder la BCAO de Bouaké, ramassèrent 38 millions de francs CFA tombés des mains des rebelles alors que ceux-ci emportaient 20 milliards de francs CFA.
En septembre 2004, douze soldats français s’emparèrent de 65 millions de CFA à l’issue du casse de la BCAO de Man, dont ils avaient la garde. Ces affaires furent réglées en famille, sans la moindre publicité, par l’ex-tribunal aux armées.
Le 6 novembre 2004 le bombardement du cantonnement de l’armée française de Bouaké, tua neuf soldats. Les soldats français, qui occupaient l’aéroport de Yamoussoukro, détruisirent les avions de retour à leur base, et leurs pilotes biélorusses furent exfiltrés au Togo après avoir été brièvement retenus. Ce bombardement servit de prétexte à la descente des forces françaises sur Abidjan et à la résidence du président Gbagbo. La mobilisation populaire qui s’ensuivit s’acheva par la fusillade de l’Hôtel Ivoire, le 9 novembre, au cours de laquelle le détachement français déchargea ses armes sur la foule, faisant des dizaines de morts.
En Côte d’Ivoire, comme au Rwanda, l’armée française fut l’école du crime : c’est ce qui ne doit pas être dit.
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