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vendredi 13 juin 2008

DU RACISME FRANCAIS : Compte-rendu Conférence Odile Tobner (11 mars 2008, Bordeaux)

Odile Tobner est venue à Bordeaux à l'invitation de l'Athénée Libertaire (Librairie du Muguet) et de Survie Gironde.

Elle a donné deux conférences magistrales :

- Le Mardi 11 mars 2008, à 20h, à l'Athénée Libertaire (7, rue du Muguet, Bordeaux)

- Le mercredi 12 mars 2008, à 18h00, à Sciences Po Bordeaux (Institut d'Etudes Politiques de Bordeaux, IEP Bordeaux).


Conférence le mardi 11 mars, 20h30, Athénée Libertaire Bordeaux

Conférence « Du Racisme français », Odile Tobner.

Odile Tobner est la Présidente de Survie France.

Origine du projet :

En publiant « Négrophobie » en 2005, Odile Tobner, Boubacar Boris Diop et François-Xavier Verschave avaient répondu au livre « Négrologie », de Stephen Smith, dans lequel il présentait une Afrique qui serait responsable de ses propres malheurs. On voyait la résurgence d’un racisme primaire dans le discours de Stephen Smith, avec une certaine vulgarisation de ce discours. Il était donc intéressant de comprendre jusqu’où s’enracinait ce discours dans les discours français. Il fallait donc un livre pour approfondir la question.

Entre 1978 et 1991, la Revue Peuples Noirs Peuples Africains (numéros consultables sur http://mongobeti.arts.uwa.edu.au/), était une revue qui critiquait l’africanisme français et la politique française en Afrique. Cette revue était née après l’interdiction du livre de Mongo Béti « Main basse sur le Cameroun ».

En 1987, il y a eu la parution du « Dictionnaire de la négritude » L’Harmattan.

Tous ces textes avaient été élaborés grâce à des fonds documentaires qui n’ont pas tous été exploités jusqu’à ce jour, et qui ont, en grande partie, servi pour l’écriture du livre « Du Racisme français ».

Dans les discours français actuels, il y a une dénégation du racisme, personne ne se revendiquant raciste, mais dans la réalité certains discours restent profondément racistes.

Ex. : Pascal Sevran et Georges Frêche, qui ont des propos racistes, mais se qualifient de non-racistes.

Pascal Sevran : « La bite des Noirs est responsable de la famine en Afrique… Et alors ? C’est la vérité ! L’Afrique crève de tous les enfants qui y naissent sans que leurs parents aient les moyens de les nourrir. Je ne suis pas le seul à le dire. Il faudrait stériliser la moitié de la planète !» (décembre 2006).

Georges Frêche : « Mais vous n’avez rien du tout, vous êtes des sous-hommes ! Vous n’avez rien du tout, vous n’avez aucun honneur, rien du tout. Il faut que quelqu’un vous le dise, vous êtes sans honneur, vous n’êtes même pas capable de défendre les vôtres. Voilà. Voilà. Alors, dégagez ». (11 février 2006).

Ces discours ne reposent, bien évidemment, sur aucune réalité sociale, mais il n’y a pas eu de véritable mouvement critique des intellectuels et médias français. Cela est devenu banal de dire des propos racistes, avec l’acceptation que de tels propos ne choquent pas. D’où vient donc cette dénégation ?

L’objectif du livre était de montrer les racines du racisme français, en analysant les écrits de différents auteurs français.


La théorie des climats a été formulée au XVIIIe siècle par Montesquieu dans L’Esprit des lois. Elle soutient l’existence de caractères spécifiques aux différentes populations à cause du climat sous lequel elles vivent.

Montesquieu : « Il ne faut donc pas être étonné que la lâcheté des peuples des climats chauds les ait presque toujours rendus esclaves, et que le courage des peuples des climats froids les ait maintenus libres. C’est un effet qui dérive de sa cause naturelle ». L’Esprit des lois, 3ème partie, Livre XVIII, chap.II.

Montaigne au XVIe siècle est un véritable esprit critique. Il présente les phénomènes de rencontre entre Européens et indigènes américains sans préjugés. Il y a une totale absence de chauvinisme chez Montaigne. Alors que pour Montesquieu, l’autre est forcément inférieur.

Cette capacité de critique a disparu par la suite, notamment avec la production de discours pour légitimer l’esclavage et la colonisation.

Au XVIIIème siècle, c’est l’esprit des Lumières. Mais la notion d’humanisme n’est appliquée qu’à l’Europe, et surtout pas aux colonies, car l’Africain n’appartient pas alors à l’Humanité, mais reste la figure du sauvage. Aujourd’hui, le texte de Montesquieu De l’esclavage des nègres est présenté comme ironique, donc antiraciste, alors que si l’on l’étudie de façon approfondie, on se demande où est l’ironie. Il n’y a cependant pas de remise en cause du caractère ironique des discours (en réalité racistes) de Montesquieu. Le ton ne peut pas être ironique, pour plusieurs raisons, comme le contexte de l’œuvre, le contexte historique, ainsi que la réalité politique de son époque le montrent.

Dans l’Encyclopédie de Diderot, par exemple, le mot « nègre » n’avait que des référents négatifs.

La question du Code Noir (1685) est passée sous silence par la majorité des intellectuels français.

L’idéologie esclavagiste est fondée sur les préjugés à l’égard des sociétés africaines, alors qu’en France, on proclamait les Droits des citoyens français.

1789 : Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Mais les esclaves ne sont pas considérés comme des sujets des Droits de l’Homme, même pour les Amis des Noirs.

En 1792, l’abolition de l’esclavage est proclamée à la suite de la révolte des esclaves à Saint-Domingue, et non parce que la Convention leur a accordé spontanément des droits. La Convention n’a fait que ratifier le décret pris par son représentant à Saint Domingue. L’esclavage a ensuite été rétabli par Napoléon en 1802.

Au XIXème siècle se développe un racisme scientiste c’est-à-dire à prétention scientifique qui succède au racisme des siècles précédents fondé, sur une base religieuse (la malédiction des Enfants de Cham). L’anthropologie pseudo-scientifique contribue à ce développement, avec l’instauration de mesures pour établir l’infériorité des Noirs. Cette anthropologie raciste deviendra le socle des théories raciales nazies.

La théorie du polygénisme, classant la race humaine en différentes espèces, est encore soutenue aujourd’hui, notamment par Lugan.

D’autres grands intellectuels du XIXème siècle s’inscrivent dans cette lignée :

- Renan : « Le Blanc est un guerrier, le Jaune est un travailleur, le Noir est un cultivateur ».

- Gobineau : « Essai sur l’inégalité des races humaines », théorie scientifique de l’inégalité des races.

Anténor Firmin : « De l’égalité des races humaines », 1885, en réponse au livre de Gobineau.

De 1885 à 1930, l’Afrique perd un tiers de sa population, par diverses exactions. « Voyage au Congo », d’André Gide, relate les relations qu’ont les Français avec le pays colonisé. Ce livre est censuré, car il raconte ces exactions. André Gide réagit contre la cruauté, mais il ne remet pas en cause la supériorité des Européens. Cette attitude philosophique perpétue les préjugés.

Au XXème siècle fleurit l’ethnologie. Des ouvrages comme ceux de Lévy-Bruhl : « La Mentalité primitive », ont instauré un racisme intellectuel et culturel.

LeirisL’Afrique fantôme ») et Griaule pillent les lieux de culte des Africains, en toute bonne conscience.

Après la 2ème guerre mondiale, avec les pseudo-indépendances, on hérite des préjugés.

De Gaulle : discours racistes. Il voulait la fin du Code de l’Indigénat, pour que les Africains soient admis à participer à leur propre gouvernement. Mais le Discours de Brazzaville reste un discours paternaliste. Il passe cependant pour un bienfaiteur de l’Afrique et de nombreuses rues sont nommées De Gaulle (Abidjan, Yaoundé…).

Chirac : L’Afrique ne peut pas avoir de partis politiques, mais uniquement des partis ethniques.

Le dernier discours en date reste le Discours de Dakar, prononcé par Sarkozy. Pour Sarkozy, il ne faut pas reconnaître collectivement la culpabilité de la France, mais dans le même temps, il dit que l’Afrique est collectivement responsable de son sort.

Hugues Martin (ancien maire de Bordeaux) a dit dans un reportage sur France 3 : « Nous ne sommes pas les héritiers des esclavagistes, donc nous ne pouvons pas demander pardon. Et de toute façon : à qui demander pardon ? Les Africains aussi ont vendu leurs frères ». Il considère donc les Africains d’aujourd’hui comme les héritiers des anciens esclavagistes, mais pas les Européens.

L’enseignement en Afrique est toujours dominé par l’édition française. L’intention est d’occulter certaines choses dans les programmes afin de perpétuer la domination d’une certaine idéologie.

« L’Afrique répond à Sarkozy » : livre de 23 auteurs pour répondre au Discours de Dakar et participer à l’effondrement de cette idéologie.

L’association Diverscités (Bordeaux) a déposé une plainte contre Sarkozy pour ce discours, avec comme motif, l’incitation à la haine et à la discrimination raciales. La plainte est non-recevable, du fait de l’immunité du Président.

Pierre H. Boulle « Les Africains, les Orientaux et l’esclavage en France au XVIIIe siècle » : livre sur les ventes d’esclaves dans les ports, notamment de Bordeaux.



Propos rassemblés par Aline Mandrilly (Survie Gironde)
texte relu par la conférencière, Odile Tobner
Voir le blog d'Aline : http://famafrika.over-blog.com

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