Communiqué de Survie et du CPCR, le 12 juin 2008
A l’occasion de l’adoption par le Sénat du projet de loi adaptant le droit pénal français à l’institution de la Cour Pénale Internationale, un amendement voté par la majorité sénatoriale vide la compétence universelle de sa substance. Si cet amendement était entériné par l’Assemblée Nationale, la France deviendrait l’un des rares pays à permettre aux criminels contre l’humanité, criminels de guerre et responsables de génocide de circuler en toute liberté sur son territoire.
Le principe de la compétence universelle découle du fait que certains crimes sont d’une telle gravité qu’ils ne concernent pas uniquement les victimes elles-mêmes, mais la communauté internationale toute entière. Il en est ainsi des crimes de génocide, des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité.
En adoptant le texte porté à notre connaissance, le Sénat français vient de se prononcer pour une loi de compétence universelle au rabais.
En effet, contrairement à la Commission des Lois qui reconnaissait que des poursuites pouvaient être engagées par le simple fait qu’un suspect soit présent sur le sol français, le Sénat a adopté un amendement qui réserverait les poursuites judiciaires aux seuls suspects « résidant habituellement » sur notre territoire. La France pourrait ainsi accueillir des hôtes de passage indésirables qui pourraient prolonger leur séjour à la seule condition de ne pas y résider de façon continue.
D’autre part, la France ne pourrait poursuivre des suspects de crimes relevant de la compétence universelle que si le pays d’origine reconnaît ces crimes.
Enfin, seul le parquet, dont on peut craindre les réticences, pourrait engager des poursuites et non plus les victimes elles-mêmes, ce qui constitue un véritable recul du droit français.
En adoptant un tel texte, la France se démarque de nombreuses démocraties qui reconnaissent que le seul fait de séjourner même brièvement sur leur territoire peut entraîner des poursuites judiciaires.
Nous ne pouvons tolérer une loi de compétence universelle « vidée de sa substance », comme le dénoncent les 44 organisations (dont Survie) membres de la Coalition française pour la Cour pénale internationale (CFCPI). Mobilisée contre l’impunité des crimes les plus graves, et notamment contre celui de génocide, Survie se joint au Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR) afin de dénoncer un texte qui marginalise la France et qui laisse entendre que notre pays ne souhaite pas voir se créer un système judiciaire international. A ce titre, les victimes du génocide perpétré au Rwanda en 1994 que représente le CPCR ne comprendraient pas une telle indulgence pour leurs bourreaux.
La France n’a pas vocation à devenir une terre de villégiature pour les auteurs des crimes les plus répréhensibles.
En conséquence, nous demandons à l’Assemblée Nationale de ne pas entériner ce texte qui est un recul manifeste dans l’application de la loi de compétence universelle.
Plus d’informations sur http://www.cfcpi.fr/
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