Billets d'Afrique et d'ailleurs.
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Le cercle vicieux
Démocratie : tel est le nouveau mantra de la France en Afrique. Avec les États- Unis, qui n’hésitent pas à affubler de ce nom les régimes les plus brutaux, pourvu qu’ils soient leurs alliés, et avec l’appui de l’ONU, dont le pouvoir de nuisance n’est plus à démontrer sur ce continent, voilà que l’ancienne puissance coloniale se présente sans vergogne comme le gardien de la sincérité des élections africaines, garanties par des « commissions électorales » contrôlées par les protégés des grandes puissances : tel est le cercle vicieux. On l’a vu en Côte-d’Ivoire et au Cameroun ; on vient de le voir en République démocratique du Congo, où les résultats d’une élection présidentielle truquée ont été entérinés par les puissances occidentales.
C’est ainsi que le sort de l’immense RDC a été scellé sans autre forme de procès, après ce qu’on n’a pas eu honte d’appeler une élection, en dépit des irrégularités choquantes qui l’ont entachée. Il a suffi que la très controversée commission électorale, présidée par un proche de Joseph Kabila, proclame ce dernier vainqueur pour que la France « prenne note des résultats définitifs » avant, comme l’ONU, d’ « appeler au calme ». La Fondation Carter, bien qu’ayant relevé des « déficiences », ne les a pas jugées de nature à invalider le scrutin – air connu. Rien ne changera donc dans la situation scandaleusement inacceptable de la République du Congo.Oublions l’épithète dont l’avait ambitieusement ornée Laurent Kabila, son éphémère président. Il est vrai que ce mot n’a pas grand sens, jusqu’à ce que les peuples africains trouvent eux-mêmes le moyen de briser le cercle vicieux où la « communauté internationale » les a enfermés.
Quant à l’espoir qu’on avait pu placer dans des institutions internationales théoriquement garantes des droits des peuples, il a été cruellement déçu. L’ONU intervient en RDC depuis 1999, via la Monuc, mission de l’ONU en RDC, devenue Monusco en 2010, mission de l’ONU pour la stabilisation en RDC, forte d’un contingent de 20 000 soldats et de plusieurs centaines d’experts et de conseillers en matière de police, de justice, d’administration, censés aider le gouvernement congolais et apporter un soutien technique à l’organisation des élections. À la suite de la proclamation des résultats et de la révolte qu’ils ont suscitée chez les citoyens congolais, elle a déployé des soldats à Kinshasa. En plus de dix ans, l’ONU n’est jamais parvenue à mettre fin aux crimes commis par les milices qui ravagent l’Est du Congo, se contentant de sécuriser le pouvoir de Joseph Kabila, pour le plus grand profit des multinationales, qui peuvent ainsi opérer tranquillement en RDC.
Et que dire de la justice internationale, quand on voit la Cour pénale internationale inviter Blaise Compaoré dans le cadre d’un colloque sur « La paix, la justice internationale, l’ordre mondial », désigné par le procureur Moreno Ocampo comme « personnalité de référence pour ses actions de médiation ». Est-ce pour le remercier d’avoir éliminé Sankara, un des plus grands espoirs de l’Afrique, protégé Charles Taylor, un de ses plus grands monstres, ou bien pour avoir alimenté la rébellion en Côte-d’Ivoire ? Et cette même cour prétend juger Laurent Gbagbo !
« C’est en prenant la route du développement que vous serez engagés sur la route de la démocratie », tel fut le conseil paternellement dispensé aux Africains par François Mitterrand dans le discours de La Baule. Or l’ordre qui vient d’être pérennisé en RDC n’a qu’un but : capter les richesses de ce pays au profit des multinationales, au détriment du peuple congolais. Voilà pourquoi, quand la rhétorique perverse des puissances et d’une justice internationale à leurs ordres ne convainc plus qu’elles-mêmes, l’appel à l’insurrection de Frantz Fanon, cinquante ans après sa mort, résonne chaque jour plus fortement aux oreilles des damnés de la terre.
Odile Tobner
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